Les travailleurs agricoles posent problème aux colons


Au début de son administration, le chef du district de Mahanoro p.i. Martin, livre sans discuter aux colons les travailleurs dont ils ont besoin. Par la suite, face à la fuite des autochtones qui émeut l’autorité supérieure, il dégage sa responsabilité et s’en prend aux mêmes colons qu’il a servis (lire précédente Note). Mais le problème posé par les travailleurs ne s’arrête pas là. Des contestations ne tardent pas à surgir à propos de salaires « pourtant avilis par la réquisition », souligne Jean Fremigacci (La colonisation à Vatomandry-Mahanoro – Espérances et désillusions (1895-1910). Dans le rapport commercial du district de Vatomandry du 2e trimestre 1900, on peut lire notamment : « Les petits colons besogneux éprouvent un peu de difficulté à garder leurs ouvriers. » Car ces derniers sont payés de manière très irrégulière et encore, sur intervention de l’administration, alors que le salaire imposé par celle-ci, plus la ration de riz, est « relativement minime », avoue le chef du district Demor­tière. Bientôt, l’atmosphère devient tendue. En octobre 1900, en effet, le gouverneur général Gallieni est saisi d’une pétition de colons de Vatomandry, dénonçant l’insécurité croissante et réclamant une protection. Selon l’auteur de l’étude, cette effervescence occasionnée par des désertions de prestataires, vient d’après Demortière, « du mauvais esprit de quelques colons, Mauriciens pour la plupart, croyant être en danger dès qu’ils sont en présence d’indigènes qui montrent du mauvais vouloir à travailler sur leurs propriétés, certains, en fin de mois, de ne pas être payés » (Rapport politique de Mahanoro d’octobre 1900). L’année suivante, le problème ne fait que gagner en ampleur. Le chef du district n’incrimine pas les seuls Mauriciens, mais aussi les Réunionnais. Ces derniers, accuse-t-il, maltraitent et ne paient pas « les rares indigènes qui veulent bien travailler encore pour eux ». Comme les autochtones qui ont le fisc à leurs trousses, « doivent fuir, vagabonder et voler pour subsister», les colons prennent peur et craignent des représailles. Ils « jettent la panique parmi les populations qui les entourent, faciles à tromper ». L’administration doit effectuer deux tournées pour calmer les esprits et demander l’expulsion d’un colon mauricien de Madagascar. « Désormais, remarque Jean Fremigacci, entre le colon et l’indigène, la barrière de la peur s’est élevée. » De tout cela, il tire un premier résultat acquis qui peut se résumer en la constitution d’un noyau de peuplement européen ou d’origine européenne dans la zone Mahanoro-Vatomandry. Il estime qu’il comporte environ 185 personnes en 1902. Le district de Vatomandry en compte 104 dont 70 hommes (Guide-annuaire de 1902). Pour Mahanoro, le seul chiffre retrouvé, 54 hommes, permet d’extrapoler une population de l’ordre de 80 Européens et Créoles. En 1905, pour les deux circonscriptions, le chiffre total s’élève à 225 (Guide-annuaire). Ce qui signifie que l’essentiel du peuplement blanc se constitue dans la première décennie de l’époque coloniale. D’après Jean Fremigacci, à la veille de la seconde guerre mondiale, ce peuplement ne dépassera pas 337 personnes, dont seules 112 pour Mahanoro dont la croissance ralentie traduit un échec de la colonisation encore plus net qu’à Vatomandry. « Au surplus, en termes de colonisation, cette progression ultérieure est plus apparente que réelle. » Comme on peut s’y attendre, en 1905, en effet, la structure par sexe et par âge est très déséquilibrée : 148 hommes, 44 femmes, 33 enfants. Toutefois, un certain rééquilibrage s’opère par la suite, sans que le nombre des hommes adultes progresse. Dans le Guide-annuaire de 1926, il est mentionné que le district de Vatomandry englobe alors le poste administratif de Mahanoro et compte 150 hommes adultes d’origine européenne. Cette composition, explique aussi un phénomène, le métissage, qui, bien avant 1914, prend des proportions inquiétantes pour l’administration. La raison vient du fait que, sur la côte Est, le colon atteint d’un accès pernicieux, souvent compliqué de bilieuse hématurique « était à l’occasion sauvé par les infusions d’une Ramatoa qui restait sa compagne ». Le chef de la province trouve comme solution de favoriser la mobilisation qui aura ceci de bon qu’elle permettra à de nombreux colons de voir (ou de revoir) la France et d’y prendre femme. En général, dans cette population d’origine européenne, les Créoles gardent nettement la majorité. Mahanoro reste un fief des Mauriciens. En 1902, sur 40 colons (c’est-à-dire Blancs qui ne sont ni fonctionnaires ni missionnaires, suivant le Guide-annuaire), ils sont 27 et occupent des emplois modestes. À Vatomandry, sur 54 colons, 36 sont Créoles dont 22 Mauriciens et 14 Réunionnais.
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