« Madagascar d’antan et de demain… ? »


Nous venons de célébrer le 58e anniversaire de notre indépendance et j’espère que chacun aura profité de ces quelques heures de répit et de festivités. À l’occasion, une vidéo relatant la cérémonie de signature de l’accord d’indépendance de Madagascar, le 2 juin 1960 a circulé sur les réseaux sociaux. On y voit quelques scènes du tout premier défilé militaire du tout nouvel État malgache, assisté par 100.000 habi­tants de la capitale – précisions du commentateur – mais ce qui est le plus intéressant c’est une présentation brève de cette nouvelle nation. En 1960, la population de Tana était de 206.000 habitants et l’un des grands atouts du pays était d’avoir « réussi une scolarisation à 100% ». Et surtout, nous étions 6 millions d’habitants. Nous voici en 2018 avec une population de 24 millions et quelques, selon les dernières estima­tions et en attendant les chiffres du recensement en cours – soit presque cinq fois plus en 58 ans ! Selon les projections, nous serons près de 36 millions en 2030, et environ 55 millions en 2050. « Madagascar est une nation de paysans, de pêcheurs et de pasteurs » disait le commentateur en 1960. Avions-nous alors anticipé cette explosion démographique et ses implications sur nos systèmes de production ? Nous y étions-nous préparés ? À voir la situation actuelle, je pense que non. Et sommes-nous préparés à nourrir ces 36 mil­lions de bouches en 2030 ? Qui dit « nourriture » dit terre (et mer), eau, énergie, accès. Derrière le simple fait de manger se cache un système complexe fait de petits, moyens et grands producteurs, collecteurs, transporteurs, d’ateliers ou d’usines de transformation, de gargotes et restaurants, de marchés locaux, nationaux, voire mondiaux, sans oublier les fournisseurs d’intrants – graines, engrais, équipements de toutes sortes, technologies, parfois même financements. Mais avant tout, ce système repose sur la base des ressources naturelles renouvelables disponibles : les systèmes naturels tels que forêts, lacs et autres zones humides, récifs, mangroves, les rivières et leurs fonctions majeures : fourniture d’eau, maintien des sols, refuge climatique, etc. Aujourd’hui, nous faisons encore partie des 6 pays les plus frappés par la malnutrition chronique. Le bois qui a été, jusqu’à maintenant, notre principale source d’énergie de cuisson se fait rare. Au rythme de consommation actuelle, il est même fort à craindre que nous passions en déficit de bois de chauffe en 2030. La désertification (dont la journée mondiale a été célébrée il y a quelques semaines) aurait déjà atteint 32% de la superficie totale de notre île, reflétant le niveau de dégradation des sols et des écosystèmes en général. Si l’on ajoute à cela les effets des changements climatiques, nos perspectives pour nourrir ces 36 millions en 2030 ne sont pas très encourageantes. D’autant plus que nous sommes sur une île et que nous n’aurons pas la facilité, comme d’autres habitants du continent, de migrer à la recherche de terres plus fertiles. Heureusement, il est possible de changer ce scénario, ou plutôt, nous pouvons encore changer ce scénario. En préparant activement et consciem­ment ce futur dès maintenant. En mettant systéma­tique­ment la gestion rationnelle et durable des ressources naturelles au cœur du développement économique. En investissant dans la bonne gestion, le maintien et l’expansion de ces véritables infrastructures « naturelles », comme on investit dans les routes, les ponts, les ports parce que ce sont les infrastructures de base dont dépendra notre futur. En faisant les bons choix politiques – ceux qui nous permettront de réduire notre empreinte écologique, de renforcer notre capacité de faire face aux changements climatiques, d’optimiser les opportunités et options de développement des générations futures. Et surtout, en mettant fin au laxisme qui caractérise actuellement la gouvernance des ressources naturelles, fin aux trafics en tous genres de ces ressources et qui ne profitent qu’à une petite minorité au détriment de la population. À l’approche d’une nouvelle période électorale, pensons-y, tant qu’il est encore temps. par Nanie Ratsifandrihamanana 
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