Session extraordinaire - Le Sénat tire sur la corde


La Chambre haute fait valoir ses prérogatives parlementaires. Elle botte en touche deux des trois projets de loi de ratification des ordonnances présidentielles et provoque une navette parlementaire.

Un bastion d’irréductibles. « Le Sénat n’est pas une boîte aux lettres », aime à rappeler son président Rivo Rakotovao. Des mots appliqués à la lettre durant cette session extraordinaire du Parlement. Dans un contexte de bras de fer avec l’Exécutif et les partisans du président de la République, la Chambre fait de la résistance et fait valoir ses prérogatives institutionnelles. La majorité au Sénat vient d’infliger deux revers successifs aux tenants du pouvoir. Elle a adopté deux « motions de rejet », contre deux des trois projets de loi de ratification des ordonnances prises par le chef de l’État, durant la période où il a joui d’une délégation du pouvoir de légiférer. Acculé par le pouvoir Exécutif, les « irréductibles », du groupe parlementaire « Hery vaovao ho an’i Madaga­sikara » (HVM), ont fait bloc pour que soit voté le rejet de l’examen et l’adoption des textes soumis par le gouvernement. Le taux d’absen­téisme inhabituellement élevé à l’institution d’Anosy, leur a également, facilité la tâche. Selon Rivo Rakotovao, les motions de rejet ont pour but « de provoquer une deuxième lecture et avoir du temps pour étudier ces textes ». L’Exécutif a décidé de regrouper les neuf ordonnances soumises à ratification en trois projets de loi. Chaque projet de loi comprend trois ordonnances. Selon son président, le Sénat souhaite, pourtant, prendre le temps de décortiquer chacune des neuf textes. « Nous n’y avions eu accès qu’hier. Il aurait été honteux de voter un texte dont-on ne connait même pas le titre », plaide-t-il. À entendre les débats et les décisions prises à la Chambre haute, deux textes gênent. Commission mixte paritaire L’ordonnance retouchant la loi organique sur le Sénat ne passe pas du tout. Celle relative au recouvrement des avoirs illicites, inquiète. L’un est inscrit dans le projet de loi de ratification numéro un et l’autre dans le projet de loi de ratification numéro 2. Il s’agit des deux projets de loi rejetés. Le troisième projet de loi de ratification a pourtant, été adopté par la Chambre haute. Il comprend les ordonnances sur la politique nationale du cinéma, abrogeant la création du Fonds d’entretien routier et abrogeant la création de l’Autorité routière. Durant les débats, un sénateur a lancé, « c’est comme lorsqu’on mange un poisson. Bien que la chair soit délicieuse, il suffit de tomber sur une arête pour qu’on régurgite le tout ». À entendre les débats, les membres de la Chambre haute veulent affirmer que, jusqu’à preuve du contraire, il faudra compter avec eux dans les travaux parlementaires. La ratification des ordonnances présidentielles a, d’autant plus, été déclenchée par une saisine de la HCC par le président du Sénat. Pour bloquer les textes qui l’indisposent, du moins, durant cette session extraordinaire, l’institution d’Anosy semble jouer la montre en déclenchant la navette parlementaire. Une session extraordinaire dure douze jours tout au plus. Celle-ci arrivera à terme, dimanche. Les « motions de rejet », du Sénat agacent, pourtant. L’ordon­nance relative au code minier figure dans le bloc de texte du projet de loi numéro un. Son rejet a attisé l’ire du ministre des Mines. Quant à l’ordonnance sur le recouvrement des avoirs illicites qui se trouve dans le chapeau du projet de loi numéro 2, ce sont les entités au sein du Système anti-corruption (SAC), qui ont fait part de leur regret. Durant une conférence de presse, hier, le SAC affirme que le rejet de l’ordonnance sur le recouvrement des avoirs illicites affaiblit l’arsenal juridique de la lutte contre la corruption. « Un recul », qui risque de porter préjudice à Madagascar, argue-t-il. À partir d’avril, la Grande île sera évaluée par des agences internationales et régionales sur le respect des traités de lutte contre ce fléau. Aussi, le SAC demande au Premier ministre d’activer l’article 96 de la Consti­tution. Une disposition qui lui permet de convoquer « d’urgence », une commission mixte paritaire. Selon la loi fondamentale, si à l’issue des travaux de cette commission, un texte commun n’est pas adopté, le dernier mot appartient à la majorité absolue de l’Assemblée nationale.
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