Trafic d'Or - Une délégation malgache en mission aux Comores


Conduite par le ministre de la Justice, une délégation malgache est aux Comores pour négocier l’extradition des présumés trafiquants d’or qui y sont détenus. Le rapatriement des métaux précieux est également en ligne de mire. Extradition et rapatriement. Ce sont les mots clés de la mission confiée à la délégation malgache qui a débarqué aux Comores, hier. Conduite par Herilaza Imbiki, ministre de la Justice, elle serait composée d’un représentant du ministère des Affaires étrangères, de responsables du bureau national central d’Interpol, d’un responsable à la section de recherche criminelle de la gendarmerie nationale et d’un responsable à la direction générale des douanes. Après un rendez-vous manqué, jeudi, une délégation malgache a finalement fait le voyage pour l’archipel. La durée de cette mission n’est pas connue. Seulement, il est clair que cette mission arrivée aux Comores, hier en milieu de matinée, a comme principal objectif de convaincre les autorités comoriennes de l’extradition des deux Malgaches qui y sont actuellement en détention préventive et le rapatriement des vingt-huit lingots d’or saisis à l’aéroport de Moroni, le 28 décembre dernier. Le 28 décembre, trois hommes avaient été arrêtés à l’aéroport international de Moroni prince Said Ibrahim (AIMPSI), avec une cargaison dont le poids annoncé était de 49 kilos, pour au final être révisé à un peu plus de 50 kilos. Deux d’entre eux sont des Malgaches. Il s’agit de Faizara Pacheco Azali et Stenny Andrianantenainam­binitsoa. Ces deux natifs de la Grande île font déjà l’objet d’un avis de recherche depuis plusieurs mois, dans le cadre de la tentative d’exportation illicite de 73,5 kilos d’or, stoppée à Johannesburg, Afrique du Sud, le 31 décembre 2020. Dès l’annonce de l’arrestation des trois larrons à Moroni, le Pôle anti-corruption (PAC), qui a ouvert une instruction sur l'affaire, a lancé un mandat d’arrêt international contre les deux Malgaches. Une demande d’extradition a été envoyée aux autorités comoriennes dans la foulée. La thèse que l’or vient de Madagascar est aussi privilégiée. Aussi, la demande d’extradition s’accompagne d’une demande de rapatriement des lingots de métaux précieux. Convaincre les autorités comoriennes d’accepter les demandes formulées par Madagascar est donc la mission de la délégation conduite par Herilaza Imbiky. Pour gagner l’extradition de Faizara Pacheco Azali et Stenny Andrianantenainambinintsoa, la Grande île mise sur une convention bilatérale avec les Comores. Signée le 12 novembre 1976, elle prévoit «une procédure d’extradition simplifiée», entre les deux pays. Réciprocité Le principe de la réciprocité sera également soulevé. Le 27 janvier 2021, Madagascar a, en effet, accepté l’extradition d’une personne recherchée par les Comores. Réfugiée dans la Grande île, elle était soupçonnée d’avoir fomenté une tentative d’attentat contre le Président de l’archipel, en avril 2020. De prime abord, il ne devrait s’agir que d’une formalité. Seulement, aux Comores, des voix s’opposent à l’extradition, du moins, dans l’immédiat. Dans un article publié par le journal comorien Al-watwan, un avocat avance qu’au stade actuel de l’instruction, une extradition pourrait «obstruer, empêcher que la lumière soit faite sur cette affaire». La saisie à AIMPSI a mis en lumière un large réseau de trafiquants d’or aux Comores, avec des liens à Madagascar. Des dignitaires comoriens, notamment le directeur général des aéroports de l’archipel, sont accusés. Ce dernier figure parmi les dix personnes en détention préventive. L’avocat cité par Al-watwan avance, du reste, une ligne de la convention bilatérale entre les deux voisines de l’océan Indien. Ce point prévoit que «l’extradition peut être refusée si les infractions font l’objet de poursuite dans l’État requis (...)». Que la réciprocité pourrait ne pas s’appliquer étant donné que les deux Malgaches sont déjà poursuivis aux Comores, contrairement au présumé instigateur d’attentat extradé en janvier 2021. Pareillement, sur le rapatriement de l’or à Madagascar, les avis divergent aux Comores. Des voix soutiennent qu’il n’est pas confirmé que l’or vient bien de Madagascar. Il y en a même qui chuchotent que les présumés trafiquants auraient «présenté des documents maliens», pour essayer de convaincre de la licéité de leurs intentions. Ali Mohamed Djounaid, procureur de la République près le Tribunal de première instance de Moroni, affirme cependant que l’or qui transite par les Comores a été embarqué à Madagascar. Les trafiquants arrêtés aux Comores utilisent, de prime abord, le même mode opératoire que pour les 73,5 kilos d’or saisis à Johannesburg. La demande d’extradition des trois Malgaches arrêtés en Afrique du Sud, le 31 janvier, n’a pas de réponse, jusqu’à l’heure. De même pour la demande de rapatriement des métaux précieux. Les autorités malgaches espèrent visiblement avoir plus de succès auprès des autorités comoriennes que sud-africaines. L’extradition de Faizara Pacheco Azali et Stenny Andrianantenainambinintsoa, pourrait permettre de faire d’une pierre, deux coups. Outre l’affaire Comores, la justice malgache espère que leur audition pourrait faire avancer le dossier Afrique du Sud et au final démanteler ce qui s’apparente à un vaste et puissant réseau de trafiquants. L’Etat veut, par ailleurs, rapatrier l’or en tant que richesse nationale qui, en principe, pourrait gonfler les réserves d’or de la Banque centrale. Il semble, cependant, que les négociations avec les autorités comoriennes ne soient pas gagnées d’avance.
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