Requalifier le Betsimitatatra


Les rois et reines de l’Imerina avaient eu bien raison d’avoir misé sur le Betsimitatatra. La maitrise de cette plaine a en effet permis au royaume d’avoir des productions agricoles abondantes, donc une population en bonne santé et des réserves. Sur le plan stratégique, un peuple rassasié et vigoureux a la volonté de conquérir. Une armée bien nourrie est une armée qui gagne. Aussi, la maîtrise du Betsimitatatra a été l’une des plus grandes prouesses des aïeux des Mérina. Une fois devenue rizière, la gestion de l’eau, des crues ainsi que la salubrité des marécages a été possible. Durant la colonisation, malgré les multiples remblais à des fin « d’urbanisation » d’Antananarivo, le Betsimitatatra a été épargné. Mieux, les différents canaux de circulation des eaux, les digues et diguettes ont été améliorés et renforcés. Jusqu’à la Première République, la plaine a encore eu des moments de gloire. Les grands-pères et grands-mères, et même nos parents se souviennent encore des fêtes du « santa-bary » organisées pour célébrer les premières récoltes. À cet effet, les concours du meilleur rendement voyaient des records très intéressants. Depuis, qu’est devenu Betsimitatatra ? Un bout de terre sans considération, ni historique ni stratégique et encore moins urbaine. Si les Américains arrivent à faire visiter à des millions de touristes un bout de marbre où il y a « I have a dream », nous n’avons pas su honorer ces milliers d’hectares qui ont fait d’Analamanga, Antananarivo. Sur le plan stratégique, elle n’est plus que la scène des gesticulations d’égo de nos dirigeants qui ont violé cette plaine par des décisions qui ont fait, qui font et qui feront plus de mal à la ville que du bien. Qui peut dire en quoi les remblais du temps du Président Ravalomanana ; le Kianja Maki du temps de Rajoelina, la route de la francophonie du temps de l’actuel Président ont-ils été bénéfiques pour la ville ? Mais que reste-t-il maintenant de la plaine : une terre qui devient de plus en plus aride, faute d’apport des limons par les différentes crues qui devraient naturellement venir la baigner chaque année. Le phénomène est exacerbé par les remblais à grande échelle qui ont eu deux effets : la trajectoire des eaux a été modifiée par obstruction ou déviation ; les « terres mortes » et rochers lors des remblais ont été disposés à tort et à travers, même hors des zones à remblayer lors des « projets ». Sur le plan urbanistique, les conséquences de ces projets insensés sans réflexion technique ni historique seront plus lourdes que leur présence. Car si on fait un calcul financier des effets soi-disant positifs et les dévastations dues aux inondations, à l’insalubrité et à la famine, le compte est très vite établi. Il faut donc se prêter à l’exercice : repenser le Betsimitatatra et faire des choix raisonnés. Plusieurs options se posent et chacune nécessite une planification pointue et des moyens à la hauteur des décisions prises. Le premier choix serait d’urbaniser, de remblayer et le faire d’une manière visionnaire, ordonnée et planifiée. Le second est de faire un remblai partiel, bien cerné et normalisé tout en gardant une partie permettant la réurbanisation (l’agriculture rurale en ville) et les flux d’eaux. La troisième option serait de maintenir à tout prix cette belle plaine qui fait le charme et la sécurité de notre ville. Bref, il y a de multiples options et il n’y a pas de bon ou de mauvais choix. Le mauvais choix serait de le laisser dans son état actuel. Par Mbolatiana Raveloarimisa
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