Le corps expéditionnaire et ses tracas quotidiens


«Le service de santé de l'avant-garde du corps expéditionnaire de Madagascar a été organisé pour satisfaire les besoins immédiats des troupes placées sous votre commandement, mais aussi pour préparer les moyens matériels indispensables au service sanitaire de toute l'expédition. » C'est ainsi que débutent les directives données le 18 janvier 1895 par le ministre français de la Guerre, A. Mercier, au général Metzinger, commandant de la 1re brigade du corps expéditionnaire de Madagascar. Elle est chargée, entre autres, d'ouvrir des voies d'accès vers Antananarivo à partir de Mahajanga. Elle a surtout comme mission d'établir l'hôpital n°1 de campagne et d'installer un magasin de réserve du matériel sanitaire. Celui-ci recevra et classera tous les arrivages successifs, et délivrera à chaque corps de troupe ou de service, au fur et à mesure de son débarquement, le matériel qui lui est destiné. Ces directives touchent plusieurs points, dont la mise à disponibilités des formations sanitaires de huit prêtres, dont quatre aumôniers parlant la langue malgache. Mais avant tout, « il y a lieu de se préoccuper de l'influence des marais, de celle des eaux de boisson, des insolations, des refroidissements nocturnes, de l'infection du sol ». Sans oublier « l'alcoolisme, les maladies vénériennes, etc.  ». Il faut aussi prémunir les milliers d'hommes de troupe contre la variole avant leur embarquement. Une campagne de revaccination est prévue une fois qu'ils sont arrivés à destination. De même, contre la fièvre palustre, tous les soldats sans exception et les coolies seront soumis au traitement préventif de la quinine. La diarrhée n'est pas moins redoutable « tant par sa fréquence que par la débilité corporelle» qu'elle produit, même si elle dégénère en dysenterie. Ainsi toute personne diarrhéique doit se présenter d'urgence au poste sanitaire, comme tous les soldats ne doivent pas s'exposer au refroidissement nocturne. En particulier, il faut accorder « la plus scrupuleuse » attention à la qualité de l'eau de boisson. Et surtout, il faut se méfier « du mélange du tafia et de l'alcool à l'eau de boisson; mélange qui ne détruit aucun des germes végétaux ou animaux qu'elle contient. Il a, en fait, le double inconvénient de ne servir à rien et de donner une sécurité trompeuse (…) L'alcoolisme est d'autant plus redoutable qu'agissant sur des organismes anémiés par la chaleur et le délabrement des fonctions digestives, il rend inévitablement mortelles des maladies redoutables, même dans les pays tempérés ». Le ministre A. Mercier veut ainsi parler du choléra, de la dysenterie, du paludisme. Néanmoins, « le vin et le tafia entrent dans la ration journalière de la troupe », dont les chefs doivent cependant se préoccuper « des dangers de l'absinthe et des liqueurs frelatées » avec lesquels « les mercantis et débitants tenteraient d'infester les troupes ». Autre maladie dangereuse dont il faut préserver les soldats de l'expédition: les maladies vénériennes qui sont « un des fléaux de la population malgache » et qui sont à traiter avec des médicaments. Ces maladies ne sauraient cependant « dispenser les hommes de participer aux travaux et opérations de guerre », sauf si elles sont d'une « gravité exceptionnelle ». À la suite de ces directives détaillées, les infrastructures mobiles (hôpitaux, ambulances) sont débarquées à Mahajanga et suivent l'avancée des troupes de la 1re brigade qui ouvrent la route, construisent des ponts... Et le 29 septembre 1895, elles arrivent à Sabotsy-Namehana et Ilafy où se déroulent le combat décisif. Le lendemain, le Rova d’Antananarivo lève le drapeau blanc, la capitale tombe.
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