Agri-business - Madagascar trace sa route


La transformation de l’écosystème agricole par la promotion de l’agri-business figure parmi les priorités du pays. L’objectif est de disposer d’un secteur primaire dynamique et atteindre l’autosuffisance alimentaire. Les trois quarts de la population malgache sont tributaires de l’agriculture. Le secteur agricole est cependant limité par une faible productivité due à l’utilisation minimale des techniques agricoles modernes, au manque de connectivité aux marchés et à une grande vulnérabilité aux chocs, comme les fluctuations climatiques. Mais malgré ces faiblesses, Madagascar demeure un pays riche de ses ressources naturelles et de sa position géostratégique, une destination idéale pour tout projet dans le secteur de l’agri-business. Sur les soixante millions d’hectares de superficie que compte le pays, près de la moitié se prête à l’agriculture et dix-huit millions demeurent encore disponibles. Une étendue qui fait de la Grande ile un prétendant presque sans concurrent pour devenir le principal grenier de la sous-région. Depuis des dizaines d’années, le monde rural a su démontrer que l’on peut proposer une large gamme de produits agricoles (riz, fruits et légumes, épices, plantes pour les huiles essentielles…) grâce à la diversité des conditions pédoclimatiques et à l’existence de ressources en eau pour l’irrigation et la production d’énergie. L’idée de booster l’entrepreneuriat et les investissements dans le secteur agricole est donc bien justifiée. Ainsi, dans le cadre des initiatives publiques pour accélérer la mise en œuvre du plan de développement agricole afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire de Madagascar, un évènement de mise en relation ou Forum Business to Business (B to B) dédié à l’agri-business sera programmé pour mettre en relation les producteurs, les porteurs de projets, les détenteurs de terrain à grande échelle, les acheteurs et, surtout, les investisseurs. Selon le ministère en charge de l’Agriculture et de l’élevage (Minae), « cet exercice aura pour objectif l’arrimage entre opérateurs de production et de marché, l’accroissement de programmes d’investissement pour une agriculture durable pour Madagascar et dans le cadre de l’agrégation agricole et la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes dans l’agriculture, l’élevage et l’économie bleue ». Un rappel a été également fait par le département ministériel : une phase préparatoire a déjà permis d’identifier jusqu’à présent près de cent vingt projets portés par des nationaux, et près de vingt mille hectares de terrains ont été aussi identifiés parmi ceux détenus par des privés. Le forum se tiendra le 18 juin 2022 au Centre de conférences international d’Ivato (CCI) à Antananarivo. Pour cette première édition, le thème est « Promouvoir l’agribusiness en développant l’agriculture familiale ». Les organisateurs ont aussi indiqué que des ministères partenaires et l’Economic Deve­lopement Board of Madagascar (EDBM) vont apporter leurs appuis à différents niveaux, comme « la facilitation foncière, l’accompagnement juridique, le plan d’affaires et l’accès au marché ». « Le B2B est un échange et une coopération entre les producteurs, les détenteurs de terrain et les investisseurs. Il ne s’agit pas de vendre des terrains aux investisseurs », tient à souligner le ministre de l’Agriculture et de l’élevage, Harifidy Ramilison, dans son allocution à l’occasion d’une séance de présentation de l’événement à venir. On sait, en outre, que l’appel à manifestations d’intérêt diffusé depuis plusieurs jours, reste ouvert aux prétendants jusqu’au 10 juin et les candidats intéressés peuvent s’inscrire directement en ligne. Du côté du ministère en charge de l’Industrialisation, du commerce et de la consommation (MICC), on annonce que la rencontre sera mise à profit pour donner les éclairages nécessaires concernant la mise en œuvre du programme national baptisé «  Taninketsa indostrialy » ou « Zones pépinières industrielles ». En effet, le développement de l’agri-business à Madagascar nécessite une mise en adéquation de la chaine de valeur agricole, allant des paysans aux distributeurs en passant par les transformateurs des produits agricoles. Rôle central du secteur privé Les différentes parties prenantes de l’écosystème agricole s’accordent à dire que les acteurs opérant dans l’entrepreneuriat agricole, petits ou grands, jouent un rôle essentiel dans le développement de l’agri-business à Madagascar. Raison pour laquelle ils ont été impliqués fortement dès l’entame du processus d’élaboration de la stratégie de développement et de la promotion de l’agri-business, en 2019. Autre constat fait, Madagascar peut progresser plus rapidement dans la mise en œuvre des stratégies pour l’autosuffisance alimentaire et la modernisation de son secteur agricole. Pour le Minae, l’heure est à l’action et donne, comme entre autres preuves, la promotion des semences à travers la mise en place d’une stratégie nationale semencière. « L’utilisation des semences améliorées, certifiées et de bonne qualité, est jugée indispensable pour augmenter le taux de production dans une courte durée, tout en s’adaptant au changement climatique et en résistant aux différentes maladies menaçant l’agriculture », explique-t-on. Rappelons que la production de semences à Madagascar est estimée de 2000 tonnes en 2021. L’objectif d’ici cinq ans est de décupler ce volume. Le pays s’active également dans le domaine de la recherche agricole aussi bien pour la production rizicole que pour les autres cultures, tels que le manioc, le maïs, les céréales, les fruits et les légumes, qui sont appelés à être produites à grande échelle. La culture fourragère pour améliorer l’élevage, notamment celui des vaches laitières de race, est aussi inscrite parmi les priorités. À noter aussi le développement de filières agricoles inclusives par le soutien des agripreneurs. À travers le programme Défis, qui coopère avec une dizaine d’organisations paysannes, les producteurs sont accompagnés pour la valorisation de sept mille hectares de rizières et deux mille hectares de champs de maïs dans plusieurs régions. Pour cela, cent soixante champs-écoles paysans pour le riz et quatre vingt pour le maïs sont mis en place, accompagnés d’une dotation de matériels et d’intrants agricoles (charrues, semences, engrais, sarcleuses, herse...). Ainsi, plusieurs centaines de tonnes d’engrais et un volume conséquent de semences sont distribués. Le rende­- ment à venir est estimé à deux tonnes par hectare pour le maïs et 4,5 tonnes par hectare à six tonnes par hectare pour le riz, si cela était de trois tonnes par hectare auparavant. « Avec l’approche adoptée, nous pouvons nous attendre à une production augmentée et de qualité qui nous permettra même de nous tourner vers l’exportation », soutient-on. Il convient de noter qu’une formation sur la gestion financière, l’étude de prix, les prêts et épargnes, le marketing et la notion de l’agri-business sont dispensés à ces producteurs, préparés à devenir des « agri-preneurs ». À terme, ils vont pouvoir notamment produire leurs propres semences en quantité suffisante pour être entièrement indépendants. Recherche et innovation à prioriser Le domaine de l’innovation et des recherches agricoles doit aussi se développer pour accompagner l’expansion de l’agribusiness. Pour la FAO, la recherche agricole est un prérequis au développement inclusif du pays. Et force est de remarquer que les lignes commencent également à bouger de ce côté. Le 11 mai, lors de l’inauguration du laboratoire de santé des plantes et les serres d’expérimentation et de produc­tion variétale du Centre national de recherches appliquées au développement rural (Fofifa), le président de la République a mis en exergue que les équipements modernes pour la réalisation des travaux de recherche sont d’un intérêt stratégique majeur pour le développement du secteur agricole à Madagascar. À savoir que les nouveaux équipements sont dédiés à l’identification des problé­matiques phytosanitaires des cultures, l’identification des ennemis des cultures et des alliés des cultures dans le but de favoriser une agriculture durable afin d’améliorer la productivité. Le laboratoire va renforcer le dispositif en santé et en amélioration de culture ainsi que la collaboration scientifique avec les autres laboratoires spécialisés en bio-agresseur. Pour leur part, les serres d’expérimentation et de production sont destinées à la production de boutures de manioc indemne de virose et également à l’étude de la biologie des bio-agresseurs des cultures. Parmi les initiatives menées ces derniers temps, citons aussi le lancement du projet intitulé « Malagasy Agricultural Knowledge and Innovation System (Makis) ». Bénéficiant d’un financement de l’Union Européenne pour une durée de cinq ans (2022-2027), il vise à comprendre le fonctionnement et à identifier les leviers et les freins de l’innovation rurale. Pour ce faire, il adopte une méthodologie basée sur une analyse systémique interdisciplinaire en combinant les problématiques agricoles , nutritionnelles , économiques, environnementales, anthropologiques et sociologiques, ainsi que les interactions entre le bien-être des ménages agricoles, leurs conditions de vie et leur résilience. Avec ce projet, en plus des autres programmes déjà initiés, les responsables s’attendent à ce que des recommandations concrètes soient formulées pour faire évoluer le dispositif institutionnel d’accompagnement de l’inno­vation agricole à Mada­gas­car. La des­cription de la diversité des contextes d’innovation de l’agriculture, les données sur le fonctionnement et les performances des différents dispositifs d’accompagnement de l’innovation et la création d’un réseau d’expérimentation de nouvelles approches d’innovation sont aussi parmi résultats attendus.
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