Radama Ier, un roi diplomate entre Anglais et Français


Si l’ambition d’Andrianam­poinimerina est de faire de la mer la frontière de son royaume, c’est à son fils  Radama Ier qu’il incombera de réaliser son rêve (lire précédente Note). Aux conquêtes de son père (pays sihanaka, bezanozano et betsileo), il ajoute les siennes (pays betsimisaraka, antanosy et sakalava). Le jeune prince de 18 ans deviendra ainsi, virtuellement, le roi de Mada­gascar. Des nations étrangères le reconnaissent comme tel, notamment l’Angleterre par le traité du 24 octobre 1820. « Malheureusement, à partir de cette époque, aux environs de 1818, le fait qu’un roi autochtone allait devenir l’unique maitre de l’ile, ne manqua pas d’éveiller l’attention des nations étrangères à vocation colonisatrice et fut à l’origine des tentatives diverses exécutées par ces nations en vue de coloniser Madagascar » (Régis Rajemisa Raolison, Dictionnaire géographique et historique de Madagascar). Si l’on remontre très loin en arrière, Madagascar est découvert le 10 août 1500, par les Portugais qui lui donnent, en souvenir du Saint dont on célèbre la fête en ce jour, le nom de l’Ile de Saint-Laurent. L’appellation Madagascar n’est donnée à la Grande ile que plus tard, par Marco Polo qui, par erreur, lui aurait attribué le nom d’un autre pays du continent africain. Les Portugais, commerçants et missionnaires, ne restent que peu de temps à Madagascar. En 1642, le cardinal de Richelieu autorise un capitaine du nom de Rigaud à fonder une société dite Compagnie de l’Orient, destinée à exploiter Madagascar. Pronis commande l’expédition qui s’installe à Sainte Luce (1643) puis à Tolagnaro devenu Fort-Dauphin. Il est remplacé par Flacourt qui ne réussit pas davantage, malgré ses qualités et un séjour de sept ans (1648-1655) dans l’ile. Malgré une succession de chefs d’expédition plus habiles que les précédents, la Compagnie des Indes doit évacuer Fort-Dauphin en 1672. Cela n’empêche pas Louis XIV de réunir la Grande ile, « nominalement», à la Couronne en 1686. Pendant près d’un siècle, la présence étrangère se réduit, à Madagascar, à des mouvements de navires français qui viennent se ravitailler et se radouber le long de la côte Est. C’est lors de ces passages que la princesse Bety cède sa seigneurie de Sainte-Marie au caporal français Labigorne, son amant, en 1750. En 1792, un aventurier polonais, Benyowski, fonde un établissement autrement prospère dans la baie d’Antongil. Il parvient à gagner les cœurs de plusieurs milliers de Betsimisaraka qui le proclament roi. Traité de rebelle par la France, il est tué dans une bataille que lui livrent les soldats de la garnison de Sainte-Marie en 1786. Avec le début du XIXe siècle, commence à Madagascar une lutte d’influence entre la France et l’Angleterre. Sylvain Roux, agent général français de commerce à Toamasina, quitte cette ville dont l’Angleterre s’empare en 1811. Le Traité de Paris de 1814 cède Maurice à l’Angleterre et La Réunion à la France. Il n’est pas fait mention de Madagascar, « considéré sans doute à cette époque, par les uns et les autres comme État indépendant ». Cela va permettre à l’Angleterre et à la France de rivaliser de ruse et d’ardeur pour gagner les cœurs des Malgaches. Et d’autres avantages. Le premier empire, par l’intermédiaire du gouvernement de Maurice, Sir Robert Farquhar, envoie à Mada­gascar des hommes tout dévoués à la cause malgache. Il s’agit de Lesage, Hastie et Brady. Le second, lui, reprend par les armes Sainte-Marie et Tintingue en 1818, Fort-Dauphin en 1819. Radama Ier, pris entre les deux pays, a la partie difficile et agit en roi diplomate. Profitant des conseils et de l’aide des agents anglais, il reprend aux Français Toamasina en 1817, Sainte-Marie en 1822, Fort-Dauphin en 1825. Il porte les armes au Menabe qu’il ne parvient à soumettre qu’après trois expéditions (1820-1822) puis au Boina d’où il chasse le roi officiel des Sakalava, Andriantsoli, en 1824. Radama Ier tourne le dos en 1828. Sa femme, la princesse Ramavo, lui succède au trône sous le nom de Ranavalona Ire. Elle est surtout connue pour sa « cruauté ». « Mais ce serait fausser la perspective historique que de mettre les actes cruels de Ranavalona sur le compte de son attachement au paganisme. La crainte de voir son royaume passer entre les mains des étrangers fut le principal mobile de ses actes, d’ailleurs presque tous inspirés par ses deux principaux ministres, Rainijohary et Rainiharo. » La reine ne fait aucune distinction entre Anglais et Français. En 1845, tout Européen est mis en demeure de faire les corvées du gouvernement ou de quitter l’ile dans un délai de quinze jours. Tous, Anglais et Français, doivent partir à l’exception de trois Français, le commerçant de Lastelle, le diplomate Lambert, « l’ingénieur universel » Laborde. En 1852, Raharo succède à son père Rainiharo, décédé. Une ère d’accalmie va s’ouvrir et permettre à Ellis de monter jusqu’à Antananarivo. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
Plus récente Plus ancienne