Des expressions analogues dans toutes les régions


Les proverbes dans toutes les régions malgaches, servent à transmettre une leçon, un message. Jacques Dez ne manque pas de faire un rapprochement entre les proverbes merina et betsimisaraka. C’est ainsi que sur trois cent neuf expressions qu’il collecte à Nosy-Varika, quarante cinq sont pratiquement identiques à des adages merina. Il cite, entre autres, « ny fanahy ratsy azo hovana fa ny tarehy ratsy tsy azo hovana » qui peut se traduire par « le mauvais esprit peut se corriger, mais un visage laid ne peut être modifié » (du moins avant la chirurgie esthétique !). Ou encore: « Azo maro foana kara tanan-trambo» se dit en merina : « Maro foana toa tanam-poza ». Ces expressions parlent de gens nombreux, mais inutiles, comme les pattes du scorpion ou du crabe. Ou encore: « Trano bongo misy ronono », une cahute dans laquelle il y a du lait. Les Merina ajoutent « ka tsy fantatry ny olon-ko manana » (que les gens ignorent). D’après Jean Dez, ce proverbe se réfère à une femme laide, mais pleine de qualité. D’autres pensent qu’il parle des taudis où il y a de l’amour, à moins que l’on n’y cache quelques richesses. Dans tous les cas, la leçon est de ne pas se fier aux apparences. On peut aussi citer « Aomby mahia tsy lelafin’ny namany » (bœuf maigre n’est pas léché par ses compagnons) pour indiquer qu’une personne dans la gêne n’a pas d’amis. L’expression merina qui y correspond, est parmi les plus connus : « Ny omby mahia tsy lelafin’ny namany, ny malahelo tsy mba havan’ny manana », la deuxième partie signifiant que les pauvres ne sont pas les amis des riches. Vingt autres expressions betsimisaraka recueillies par Jacques Dez à Nosy-Varika sont analogues à des proverbes merina. Tels, par exemple, parmi les plus populaires : « Akoho minon-drano, lanitra andraina » : poulet qui boit de l’eau, lève la tête vers le ciel (en l’avalant). D’après le chercheur, ceci doit être compris de la façon suivante : ce n’est qu’un poulet et pourtant, en effectuant cet acte si simple qu’est boire de l’eau, il lève la tête vers le ciel pour rendre hommage à Dieu. Les Betsimisaraka donnent à cette expression une signification profonde : Dieu est le maître de tout, Il règne sur tout l’univers et les plus modestes créatures même Le reconnaissent. En merina, on connaît plusieurs proverbes analogues : « Akoho misotro rano : ny eto an-tany jerena, ary ny any an-danitra andrandraina koa » : poulet buvant de l’eau regarde terre et lève aussi la tête vers le ciel. La même expression merina est autrement dite : « Akohokely nisotro rano, ny kely azo enti-miandrandra » (poussin qui a bu de l’eau, le peu qu’il a pris, il l’élève vers le ciel. Ou encore : « Ataovy sotro ranon’akoho, kely azo andrandraina, be azo andran­- draina », c’est-à-dire faites comme la poule qui boit de l’eau, elle en a pris un peu, elle l’élève vers le ciel, elle en a pris beaucoup, elle l’élève vers le ciel. Selon Jacques Dez, ces proverbes ont, en merina, le même sens abstrait qu’en betsimisaraka. Autres expressions analogues : « Akanga manamborona taitai-dava » : une troupe de pintades dont certaines ont été capturées, vit dans l’inquiétude continuelle. Ceci désigne une famille éprouvée par le malheur et qui ne se sent pas tranquille ; ou des gens dont la méfiance a été éveillée et qui continuent à se méfier. En merina, on connaît le proverbe équivalent : « Akanga nanamborana, ka nivadi-po mandrakariva ». Selon les Betsimisaraka, ces expressions sont bien en usage chez eux et ils les considèrent comme d’origine locale. Jacques Dez pense qu’il s’agit soit d’emprunts au merina passés depuis longtemps dans l’usage, soit d’éléments provenant d’un fond commun. « Il n’est pas impossible que, de même que pour le vocabulaire, un fond commun de proverbes ne puisse finalement être décelé, provenant de procédés d’expression communs à l’ensemble ou à certains ensembles de populations de Madagascar. » Ce fond commun se base sur la vie courante. On y voit évoluer les animaux, les femmes, les handicapés… Certains proverbes sont grossiers ou grivois, « gaulois même », bien qu’en merina, « les éditions soient expurgées de ceux qui, de cette nature, vont cependant de bouche en bouche, pour faire rire ».
Plus récente Plus ancienne