Bemiray - « Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »


« Ma cabane au Canada » : ce pays nord-américain est bien une terre d’accueil pour tous, son peuple étant multiracial et multiculturel. Transition pour affirmer que le football français est jusqu’ici tributaire de joueurs de génie fils d’immigrés respectivement polonais, kabyle et italien (Kopa, Zidane, et Platini). Enfin, en plus de son encyclique Populorum Progressio, le Pape Paul VI a développé le dialogue interreligieux. Destination - Qu’il fait bon vivre au Canada Même les lémuriens gardent un bon souvenir du Canada. C’était en 2008, et le musée de l’Écologie et des sciences de l’environnement de Montréal, plus connu sous son appellation de Biodôme, programmait d’exposer l’écosystème de Madagascar. Ont ainsi été retenues six espèces de poissons endémiques, quatre d’amphibiens dont la toujours spectaculaire grenouille- tomate et les variétés  de Mantella, cinq de reptiles parmi lesquels le Gecko diurne et le caméléon-panthère ou Furcifer pardalis. Les Lemur Catta, trois femelles et trois mâles, ont été prêtés par différents zoos nord-américains. En toile de fond étaient exposées des photos sur Madagascar de Julien Passerini et Marcel Muller, ainsi que des objets d’artisanat fournis par l’École malgache de Montréal. Eh oui, cette école existe, et les parents malgaches y envoient chaque samedi leurs enfants pour garder le contact avec le pays et sa langue. De quoi faire rougir nos compatriotes de France et de Navarre… Malgré le climat, les Malgaches se sentent bien au Canada, et y forment une colonie de plus en plus consistante. S’il me fallait désigner le compatriote le plus représentatif et le plus sympathique aussi, je choisirais sans hésiter Rocky Rabaraona, quand bien même il se soit fait tout petit - aucune allusion à la morphologie de la  célèbre fratrie - ces derniers temps. Avec Monikya aujourd’hui disparue, il est le seul du groupe à avoir gardé une indélébile nostalgie des Surfs et de Madagascar. C’est pourquoi il a longtemps continué à se produire surtout en Ontario, avec pour choristes ses filles Bakoly et Voahangy. Il portait le nom de scène de Rocky des Surfs car « je ne pouvais faire autrement, le nom du groupe étant presque écrit sur mon front !». Le journal Montréal Matin parlait de lui en ces termes : « On le revit dans les cabarets et, petit à petit, il commença à faire très régulièrement la tournée de toute la province. Petit à petit, Rocky fait son nid ». [caption id="attachment_22760" align="aligncenter" width="300"]Le Premier ministre Justin Trudeau considère que la défense  des droits individuels des minorités est l'une des forces du Canada. Le Premier ministre Justin Trudeau considère que la défensedes droits individuels des minorités est l'une des forces du Canada.[/caption] « Avantage concurrentiel » Mais d’où vient donc cette excellente presse dont jouit le Canada alors que son puissant voisin du Sud s’empêtre dans ses propres « trumpitudes »    Le Canada est avant tout une terre d’accueil où n’existe ni grand parti, ni grand média anti-immigrés. Quand Justin Trudeau a été élu, il a accueilli personnellement des réfugiés à l’aéroport, ce qu’aucun de ses pairs de par le monde n’a osé faire. Depuis son entrée en fonction, 32 000 Syriens ont été réinstallés contre un plafond de 10 000 fixé par Obama pour l’année fiscale 2016. En remontant encore plus dans le temps, 275 000 réfugiés vietnamiens ont été parrainés depuis 1970  en vertu d’un programme élaboré par le père de l’actuel Premier ministre. Le Canada n’a pas de récit fondateur à chanter, ni de héros guerrier à glorifier. Les arrivants ne voient de ce fait pas leur « nouveau pays » comme une entité étrangère et distante à laquelle il leur faudra tant bien que mal se faire. Chacun peut garder son identité propre, à l’image de ce club de moto sikh de Vancouver dont les membres arborent tous leurs turbans traditionnels. L’ancien Premier ministre conservateur Stephen Harper tenait ce langage : « Catastrophe dans le Pacifique, chaos au Moyen-Orient, problèmes de dettes en Europe… le Canada est dans le monde ce qui se rapproche le plus d’une île de stabilité, et nous devons faire en sorte qu’il le reste ». Son pays étant en éternelle mutation avec le concours de tous, y compris des migrants qui représentent « un avantage concurrentiel », le Canadien n’a pas honte à définir le Canada comme un « unknown country », et lui-même comme un « unfinished Canadian ». Un projet humain inachevé et peut-être inachevable, comme l’écrit  Charlotte Gray dans son livre « The Promise of Canada ». Pendant ce temps, Toronto avec ses six millions d’habitants est fière d’être « la ville la plus diverse du monde », dont 51% des habitants sont nés à l’étranger et viennent de plus de 230 pays. Bien qu’ayant laissé une impression mitigée lors du Sommet de la Francophonie d’Antananarivo en prenant fait et cause pour la communauté homosexuelle, Justin Trudeau est un jeune dirigeant cool, très proche de son peuple. En un an de pouvoir, il a déjà planché sur 106 de ses 220 promesses électorales. Mon pays est bien loin, chantaient jadis Rocky et les Surfs. Honni soit qui mal y pense … [caption id="attachment_22762" align="aligncenter" width="300"]Le Pape Paul VI lors de sa visite en Terre Sainte  (Jordanie, Israël, Territoires palestiniens) en janvier 1964. Le Pape Paul VI lors de sa visite en Terre Sainte(Jordanie, Israël, Territoires palestiniens) en janvier 1964.[/caption] Paul VI - Il y a cinquante ans, le Populorum Progressio Un Pape peut en cacher un autre et, le temps aidant, les fortes personnalités d’un François ou d’un Jean-Paul II peuvent mettre un voile sur celle de leurs prédécesseurs. Des fidèles se souviennent néanmoins encore de Paul VI comme d’un grand Pape, et son encyclique Populorum Progressio, dont on célèbre cette année les cinquante ans de la publication, était révolutionnaire pour son époque. 1967, c’était celle où des programmes de développement naissaient de-ci de-là, sans qu’ils répondent réellement aux besoins des pays tout récemment émancipés. Le Populorum Progressio parle quant à lui de développement intégral incluant non seulement l’économie, mais aussi les dimensions culturelle, sociale, ou encore morale.  Et les politiques qui, dix ans plus tard, parlèrent de « développement de tout homme et de tout l’homme », ont tout simplement réinventé le fil à couper le beurre… Paul VI étend l’égard dû aux travailleurs à l’ensemble des pays pauvres, et le postulat de base de son encyclique est qu’il ne peut y avoir de paix sans développement. Certains gouvernements actuels intervertissent les rôles en prétendant qu’aucun développement n’est possible sans paix sociale (ne suivez surtout pas mon regard), mais les faits sont têtus : si l’insécurité règne dans un pays, cela est principalement dû à la pauvreté, laquelle est générée par l’absence de réelle politique de développement. Ce genre de pays est condamné à tourner en rond, et à se rabattre sur de fausses solutions ressemblant plus à des excuses. Le développement est le nouveau nom de la paix. Le Populorum Progressio est devenu le credo de la Délégation catholique pour la coopération (DCC) qui, depuis sa création, a envoyé plus de 20 000 coopérants dans les pays du Sud. Les partants ne sont pas tous des catholiques pratiquants, loin s’en faut, mais l’expérience leur  permet de découvrir un aspect de l’Église catholique qu’ils ignoraient totalement. Le volontariat s’étend aussi de plus en plus à toutes les tranches d’âge. Alors qu’au début il concernait principalement les jeunes célibataires, on assiste aujourd’hui à des départs en couple, à d’autres se situant en milieu de carrière, et même à l’engagement de retraités. C’est le cas de cet ancien salarié français de l’automobile de soixante-dix ans, qui a choisi de se rendre utile pendant un an à Madagascar… [caption id="attachment_22764" align="aligncenter" width="300"]À l’occasion du 50è anniversaire de la finale Stade de Reims-Real Madrid (3-4) de la Champions league en 1956, Raymond Kopa (à dr.) pose avec son adversaire madrilène d’alors, Francisco Gento, devant la coupe « aux grandes oreilles ». À l’occasion du 50è anniversaire de la finale Stade de Reims-Real Madrid (3-4) de la Champions league en 1956, Raymond Kopa (à dr.) pose avec son adversaire madrilène d’alors, Francisco Gento, devant la coupe « aux grandes oreilles ».[/caption] Football - Kopa, petite taille et grand génie Avec son mètre soixante-huit, très exactement la taille de Lionel Messi, on le surnommait le Napoléon des stades. Juste retour des choses, c’est sur l’Île natale de l’empereur que Raymond Kopaszewski de son vrai nom salua pour la dernière fois les gradins de l’Histoire du foot. Il avait 85 ans, et le monde se souvint qu’il avait été le premier grand génie du football, bien avant un certain Pelé. La France, si souvent cocorico, se rappela aussi qu’il était un fils d’immigré polonais, comme après lui Platini l’était d’un ouvrier italien, et Zidane d’un kabyle ayant fui la guerre d’Algérie. Pour égaler son palmarès, il faut se lever tôt et d’autres l’ont fait, mais cela n’enlève en rien la dimension de ce joueur d’exception qui faisait parler le cœur et non le portefeuille : deux titres de champion de France avec le Stade de Reims, trois Coupes d’Europe avec le Real Madrid du mythique président Santiago Bernabeu, un Ballon d’Or en 1958 dont il n’a jamais revendiqué la garde du trophée, on ne sait trop pourquoi (un grand journaliste sportif a joué au commis, et le lui a enfin restitué quelques mois avant sa mort), et surtout cette fameuse demi-finale de Coupe du Monde en Suède où il forma avec Just Fontaine et Roger Piantoni un trio infernal tenant tête au Brésil avant de capituler 5-2. Hors terrain, Kopa était aussi un syndicaliste qui a osé dévoiler la « condition d’esclave » (sic) du joueur de foot de son temps, ce qui lui a valu une suspension de six mois. J’aurais aimé entendre quelques réactions du monde sportif malgache à l’occasion de sa disparition, une phrase, un mot, mais rien … Et pourtant  Kopa a été l’inspirateur du football malgache de toute une époque, même si ses exploits ne parvenaient en image sur la Grande île qu’à travers des extraits de films en noir et blanc de mauvaise qualité, souvent rayés. Du joueur malgache il avait la morphologie, ce qui lui a fermé les portes de clubs comme Lens, Lille, ou Valenciennes : trop petit ! Comme le joueur malgache, on raconte qu’il ne savait que faire du ballon au moment ou il le recevait, mais venait alors l’inspiration se traduisant par des dribbles déroutants et une vista spontanée née d’on ne sait où. [caption id="attachment_22763" align="aligncenter" width="300"]Les trois meneurs de jeu de l’équipe de France : Raymond Kopa, Zinedine Zidane et Michel Platini. Les trois meneurs de jeu de l’équipe de France : Raymond Kopa, Zinedine Zidane et Michel Platini.[/caption] Tout en finesse Le « football-champagne» de Kopa et du Stade de Reims a surtout modelé le grand AS Saint Michel des années soixante, dont le joueur-type à la reimoise s’appelait Théo Dolorès Randrianja, disparu trop tôt dans un accident de voiture. Tout en finesse, il s’amusait parfois balle au pied à des figures circulaires qui déroutaient l’adversaire.  En face, l’équipe rivale dans le cœur des Tananariviens s’appelait l’Olympic Club qui, elle, s’inspirait plutôt de Monaco sous la houlette de son coach Todeschini, un ressortissant de la Principauté. Et va pour des « Classico » hauts en passion et en talent, que perturbait avec un malin plaisir l’UAS Cheminots adepte d’un football dépouillé mais terriblement efficace à l’italienne. Souvenirs d’un temps qui fut meilleur… [caption id="attachment_22765" align="aligncenter" width="227"]Raymond Kopa, du Real Madrid, tire au but lors du match contre Manchester United (3-1), le 11 avril 1957 au stade Santiago Bernabeu  à Madrid, comptant pour la 1/2 finale aller  de la Coupe d'Europe. Raymond Kopa, du Real Madrid, tire au but lors du match contre Manchester United (3-1), le 11 avril 1957 au stade Santiago Bernabeuà Madrid, comptant pour la 1/2 finale aller
de la Coupe d'Europe.[/caption] Quand on lui ramena son vieux trophée de 1958, celui qui fut un des plus grands footballeurs de tous les temps a juste lancé à sa femme occupée dans la cuisine : « Devine ce qu’on me rapporte ! Mon Ballon d’Or ! » La modestie des gens simples, inconnue sur la planète des Christiano et des Zlatan. Mais peut-être bien que les plus grands ne sont pas toujours ceux que l’on croit. BE7Rétro pêle-mêle 1998, une intéressante « radioscopie » de Madagascar. La radio est encore un luxe, le pays ne comptant que trois millions de récepteurs pour quatorze millions d’habitants. À part de rares appareils à manivelle qui n’ont qu’une demi-heure d’autonomie, le marché est dominé par les « transistors » alimentés par des piles de fabrication chinoise. Un prototype de récepteur sud-africain fonctionnant à l’énergie solaire est étudié sans conviction pour tenter d’améliorer la situation. Pratiquement seuls les habitants des centres urbains peuvent capter la bande FM, foisonnante depuis la libéralisation des ondes en 1993. On ne compte pas moins de cent-vingt stations, dont vingt-deux dans la seule région d’Antananarivo. Radios musicales, commerciales, et le plus souvent évangéliques. Les radios internationales comme RFI, BBC, La Voix de l’Amérique, la Deustche Welle conservent par contre une place de choix. C’est dans ce contexte que Jean-Paul Cluzel, président-directeur général de RFI vient inaugurer officiellement l’installation de trois nouveaux émetteurs à Toamasina, Fianarantsoa, et Antsiranana, au cours d’une tournée-marathon effectuée en compagnie du ministre de l’Information Fredo Betsimifira et de l’ambassadeur de France Camille Rohou. Pour l’occasion, la radio mondiale programme une semaine malgache avec notamment l’émission « Votre magazine » diffusée à partir du Centre culturel Albert Camus et animée par des rappeurs locaux, tandis que le « Club des auditeurs » prend ses quartiers à l’Alliance française. Le Club ne compte encore que 250 membres. À tout seigneur tout honneur, la causerie avec le Président est confiée à Henri Perilhou, directeur de la rédaction, et l’incontournable « monument » de la presse des îles, Philippe Leymarie. Prenant garde de ne pas prêter le flanc aux accusations de néocolonialisme, Jean-Paul Cluzel n’a de cesse de présenter sa chaîne comme une radio de complémentarité, et non une concurrente de qui que ce soit. Textes : Tom Andriamanoro Photos : Archives Express de Madagascar - AFP
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