Mon Madagascar, même Marikana pleure pour toi


Un retour sur le massacre de Marikana. Le 16 août 2012, la police sud-africaine a abattu 34 hommes à Marikana. Plus de 70 autres ont été grièvement blessés. Tout ceci sous les yeux du monde car les caméras étaient bel et bien présents au moment où la police tirait presque à bout portant sur ces hommes en grève. Rappelons que Marikana, un village de la province sud-africaine du Nord-Ouest, est la mine d’exploitation de platine exploitée par la société Lonmin. Les employés de Lonmin s’étaient mis en grève pour dénoncer les bas salaires et les conditions dans la mine qui étaient inhumaines. La police avait tiré avec des munitions à grande vitesse avec des fusils d’assaut R5, des armes de poing et des fusils à plomb. Jusqu’à ce jour pourtant, personne n’a été poursuivi pour l’homicide de 34 mineurs grévistes et les blessures infligées à 70 autres. Les mineurs et leur famille vivent toujours dans des conditions de logement inadaptées et déplorables contre lesquelles ils se sont soulevés il y a six ans de cela. Nous sommes en Novembre 2018, dans une salle sombre le film d’Amnesty International sur les conditions carcérales à Madagascar est projeté. Dans le noir, on pouvait entendre des soupirs, des mains qui tapaient sur les tables pour exprimer le sentiment de peine que ressentaient ces gens en voyant ce qui se passe. Et pourtant, ces personnes en question n’étaient pas nées de la dernière pluie (si l’on peut le dire ainsi) en termes de vécu dans la violence. Ce sont des activistes qui ont vu dans leurs luttes des situations dramatiques et qui, des fois, ont eux-mêmes subi des choses horribles comme cette dame de Marikana. La vidéo projetée montre des êtres humains entassés comme des bêtes, couchés à même le sol comme un empilement de cadavres dans les soutes des bateaux acheminant les esclaves il y a des centaines d’années. Et pourtant, ce ne sont que les réalités des prisons à Madagascar d’aujourd’hui. Ce film est l’aboutissement de recherches sur le terrain effectuées dans neuf établissements pénitentiaires en septembre 2018. À Madagascar, les prisonniers sont plus nombreux à ne pas avoir été jugés, ni bien sûr condamnés, qu’à avoir été déclarés coupables. En octobre 2017, 55 % du total de la population carcérale n’ont pas encore été jugés. L’organisation révèle que, sur les 129 détenus décédés en 2017 dans les prisons malgaches, 52 se trouvaient en détention préventive. De nombreuses personnes, dont des femmes et des enfants, sont maintenues en détention préventive prolongée pour des infractions mineures telles que le vol d’une gousse de vanille. En octobre 2017, 70 % des femmes et 80 % des mineurs qui composent la population carcérale étaient en attente de jugement. Les conditions de détention, déplorables, s’apparentent à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des personnes n’ayant été déclarées coupables d’aucun crime ni de délit, meurent dans les établissements pénitentiaires de Madagascar à cause de conditions carcérales désastreuses, écrit Amnesty International. Intitulé « Punis parce qu’ils sont pauvres » ce rapport met le doigt sur le recours injustifié, excessif et prolongé à la détention préventive. Quand la grande dame de Marikana prend la parole pour dire que le cas de Madagascar l’a profondément touchée, on ne peut qu’avoir conscience de l’ampleur du gouffre dans lequel nous sommes en réalité. Elle pense que les horreurs qu’elle a vues durant les massacres, l’enfer qu’elle peut encore endurer actuellement n’est finalement rien face à qui se passe à Madagascar. Marikana pleure pour toi mon Madagascar. Puissent ces quelques lignes faire comprendre aux lecteurs qu’il faut à tout prix préserver la paix car plus bas que maintenant, nous allons tous mourir ensemble comme des idiots.
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