À toi la fille qui…


À toi, la petite fille qui a été violée par son oncle, son propre père, son frère, son cousin. À toi la fille qui doit se taire parce que la famille ne veut pas que tu dises que c’est ton grand-père qui a abusé de toi étant petite fille. À toi qui a dû crier en silence quand « il » te pénétrait si violemment de peur que ta mère te dise encore que c’est de ta faute. À toi qui as dû cacher ton corps, te cacher tant de fois, qui a dû fuir. À toi, la femme qui n’a jamais pu se reconstruire, qui déteste la vie, les hommes, les autres pour toutes ces choses que tu dois accumuler sans pouvoir les dire. À ces hommes qui se baladent dans nos sociétés sans être inquiété. Car ils ont de l’argent, car ils tiennent les autres membres de la famille par des ententes malsaines. Parce qu’ils sont des soi-disant piliers de la famille, de la société. À ces femmes, ces mères, ces tantes, ces grandsmères qui savent pertinemment ce qui se passe mais qui ferment les yeux, la bouche, les oreilles. À celles qui laissent faire car elles ont besoin d’argent, car « que diront les autres », car « c’est une honte ». À toutes celles qui inculpent leurs filles et n’osent pas pointer ces violeurs incestueux. À cette société qui entretient la culture du viol, de l’inceste, de la violence sexuelle sur les petites filles, les adolescentes et les femmes. Cette société qui a beaucoup trop de non-dits et qui permet que les fautifs ne soient pas punis pour leurs actes. Au contraire, elle fustige et musèle les victimes au nom de la culture, de la tradition, des religions, de la honte, de la peur, des intérêts financiers. Antananarivo, octobre 2020. Une histoire de plus, une de trop mise à nu. Une grande militante pour l’environnement à Madagascar dévoile son histoire dans un magazine international très prestigieux. Un éclairage sur ce mutisme collectif qui ronge et qui gangrène la société malgache. Un fait de société visiblement fondé sur des jeux de relations toxiques. Les mères tiennent leurs filles à l’image de ce que leurs propres mères ont fait avec elles. Des mères qui imposent des relations à l’image de ce que la société leur dicte de faire. Des hommes qui se permettent des agissements incestueux parce que la société accepte et cède. Une pensée pour toutes celles et tous ceux qui liront ce texto et qui pleureront et s’identifieront parmi les victimes. Ce qui vous est arrivé quand vous étiez enfant, adolescent, adulte n’est pas de votre faute mais celle de votre violeur. Vous n’avez rien à vous reprocher et nous vous souhaitons de pouvoir aller de l’avant, vous reconstruire. Vous êtes quelqu’un de bien, de beau et qui a une force hors du commun. Si votre vie est pleine de blessures, vous pouvez la changer. Maintenant, aujourd’hui, la honte doit changer de camp. Il est temps que la société malgache lève le tabou et que le silence soit brisé pour que justice soit faite.
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