Séparation de pouvoir - Les huissiers dénoncent l’abus de députés


La Chambre Nationale des Huissiers de Justice dénonce une atteinte à la séparation des pouvoirs. Une réaction qui fait suite à l’intervention de deux députés contre la Justice sur un ordre d’expulsion. L’honneur de la Justice et des huissiers est bafoué. Le communiqué publié par la Chambre Nationale des Huissiers de Justice et commissaires priseurs de Madagascar, le 5 juin est sans équivoque. Une atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs y est dénoncée. Il s’agit d’une missive en réaction à la tournure prise par l’exécution d’une décision judiciaire, menant à l’expulsion de quelques individus de leurs foyers, à Ankorondrano, le 2 juin. Un reportage diffusé sur une station privée de la capitale, le lendemain, rapporte la descente des députés Naivo Raholdina et Aina Rafeno­manantsoa, sur place. Ces derniers ont réinstallé les familles expulsées à leur domicile. À Ankorondrano, le député Raholdina, a déclaré, « ce n’est pas la première fois qu’un huissier exécute une décision de manière illégale. (…) L’huissier est grassement payé et n’a pas respecté les procédures ». En réaction, la Chambre des Huissiers de Justice « réclame l’application de la loi contre tout auteur d’acte illicite et que personne ne se cache derrière l’immunité ». Le communiqué du 5 juin, affirme que « ce n’est pas au député de dire si une décision judiciaire est illégale ou non. La Constitution distingue ces deux pouvoirs (…) ». L’affaire de l’expulsion d’Ankorondrano, a entraîné une saga médiatique. Maître Mahefalahy Rasamimaka, président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, et le député Naivo Raholdina se sont succédé sur le plateau d’une station privée, pour plaider leur cause. « Il y a plusieurs cas fâcheux, mais celui-ci est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », regrette maître Rasamimaka, durant une émission, le 6 juin. Communication Faisant écho au communiqué qu’il a signé, maître Rasamimaka ajoute que « ce n’est pas au député de contester une décision de justice, de le casser et de réintégrer des personnes expulsées ». Le président de la Chambre Nationale des Huissiers ajoute que dans le cas d’espèce, « c’est la décision judiciaire qui est bafouée ». Le député Raholdina brandit, toutefois, une procédure qui requiert « l’autorisation », du Procureur général de la Cour d’appel (PGCA), avant toute expulsion. Le député table, également, sur « une communication », faite durant le conseil des ministres du 13 février 2019, sur « l’interdiction de toute désaffectation de terrains domaniaux ». Le dernier paragraphe indique que, « (…) le président de la République a ordonné qu’il n’y ait plus ni expulsion, ni destruction de maisons d’habitations, sauf sur les terrains déclarés d’utilité publique ». En réponse, maître Rasamimaka affirme : « Au sein de la Chambre nationale des Huissiers de Justice, jusqu’ici, nous n’avons vu ni ordonnance, ni décret, ni acte pris par le président de la République interdisant l’application d’une décision judiciaire d’expulsion (…) ». L’affaire d’Ankoron­drano entraînerait un débat au sein de la magistrature. « C’est une décision judiciaire qui est remise en cause », affirme une source judiciaire. Durant un entretien téléphonique, Clément John, président du Syndicat des Magistrats de Madagascar (SMM), renchérit que « la communication faite en conseil des ministres n’engage en rien la Justice, étant donné qu’il n’y a aucune disposition légale dans ce sens ». Il soutient, du reste, « que les députés remettent en cause la raison d’être de l’Assemblée nationale, lorsqu’ils contestent l’application d’une décision de la Justice, chargée d’appliquer la loi ». Contacté, Herilaza Imbiky, Secrétaire général du ministère de la Justice, indique que, « pour l’expulsion concernant un nombre élevé de personnes et en vertu des enjeux d’ordre public, une demande auprès du Procureur général de la Cour d’appel est, effectivement, requise ». Il recommande à tout intéressé ayant des doutes sur un acte judiciaire d’en référer au ministère, ou de suivre les voies de recours. «Nous défendons l’indépendance de la Justice, mais nous sommes à l’écoute de tout le monde », ajoute-t-il. À l’Assemblée nationale, le 28 mai, Johnny Andriama­hefarivo, ministre de la Justice, a demandé aux députés de cesser les contestations publiques des décisions de justice. « Qu’ils cessent les ingérences dans les procédures judiciaires. En cas de doute, ma porte est toujours ouverte », affirme le Garde des Sceaux.
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