Apprendre l’histoire de leur pays aux enfants malgaches


L’histoire de l’Afrique (et de Madagascar) doit être enseignée aux Africains (et aux Malgaches) pour des raisons très précises. » Du 26 septembre au 2 octobre 1965, se déroule à Dar-es-Salam un Congrès international sur l’Historiographie africaine et malgache, à l’initiative du gouvernement et de l’Université tanzaniens. Sa concrétisation voit le concours de l’Unesco et de Présence africaine. Trente-et-un pays y sont représentés par cent quarante-deux délégués. Le Congrès estime qu’il n’est pas superflu de poser la question : « Pourquoi enseigner l’histoire, en particulier l’histoire nationale, en Afrique ? » L’archiviste Razoharinoro-Andriamboavonjy en fait le résumé. Du fait des circonstances historiques de l’époque, le but de l’enseignement de l’histoire nationale en Afrique (et à Madagascar) est avant tout « de réhabiliter la personnalité africaine ou malgache ». L’objectif est de « faire prendre conscience aux élèves de leur personnalité nationale, de les guérir du besoin de s’accrocher à une personnalité étrangère à la leur pour avoir droit à quelque confort psychologique ». Elle précise que cela ne concerne pas les « complètement assimilés» assez nombreux dans la catégorie dite «des évolués», mais des autres à qui il faut apprendre à oser à être eux-mêmes, tels qu’ils sont, et de tirer fierté de leur identité. Les participants du Congrès pensent que c’est tout à fait nécessaire, après l’expérience toute récente de la « dépersonnalisation nationale » que les pays décolonisés viennent de faire. Ceci étant établi, ils se penchent sur l’histoire à enseigner et sur les principes qui doivent éclairer la rédaction de cette histoire, ainsi que l’angle sous lequel interpréter les faits historiques. Le principe dégagé est que les pays récemment décolonisés doivent chercher, au moyen de leur historiographie, « à se libérer complètement » de l’expérience coloniale. Notamment « dans ce qu’elle a de négatif pour l’épanouissement de leur personnalité, de l’homme tout court ». Dans cette optique, ils doivent d’abord, repenser l’historiographie de leur pays élaborée par des étrangers, puis confronter leur propre point de vue avec celui des historiens étrangers de l’Afrique. En effet, « une approche des réalités historiques malgaches ou africaines n’est possible qu’avec la compréhension approfondie de la nature de la société malgache ou africaine ». Une entreprise que l’on ne peut laisser à la seule interprétation « plus ou moins objective » d’étrangers. Et pour les participants, seul le peuple africain est à même de « mieux comprendre, interpréter et sauvegarder sa propre histoire. C’est surtout à lui qu’il appartient d’exprimer ce qu’il était, ce qu’il est et ce qu’il veut devenir ». Néanmoins, l’historien du continent noir ne doit pas oublier que « l’histoire de l’Afrique fait partie de l’histoire universelle ». Ceci pour éviter que « l’Eurocentrisme de l’historiographie passée ne cède la place à un Afrocentrisme qui ne serait pas moins sujet à caution ». Ce principe étant, tous s’interrogent sur le matériel « adéquat et suffisant » pour enseigner l’histoire nationale. À commencer par les sources écrites, mais l’Afrique dispose de peu de choses : relations de voyages d’explorateurs, histoires rédigées par des missionnaires, rapports des « pacificateurs ». Sources importantes, certes, mais qui ne dévoilent que des demi-vérités. Elles ne sont pas à négliger, mais méritent d’être réexaminées et utilisées à bon escient par les historiens africains. Autre problème soulevé par le Congrès de Dar-es-Salam : l’accès aux sources écrites de l’histoire africaine qui sont en dépôt dans des bibliothèques ou des Archives étrangères. Ainsi, « les gouvernements intéressés sont priés par le Congrès de prendre les initiatives qui faciliteraient l’accès à ces sources, par exemple, en entamant des négociations pour le rapatriement de cette partie du patrimoine national déposée à l’étranger ». Mais l’une des principales sources de l’histoire précoloniale de l’Afrique (et de Madagascar) provient des traditions orales qu’il faut d’urgence collecter et préserver avant que leurs gardiens ne meurent. Les gouvernements sont, de ce fait, priés de fournir les fonds pour faciliter la collecte, la préservation et la publication de ces traditions, ainsi que « la collecte systématique de photocopies ou microfilms d’archives privées ».
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