C’est nous !


Une vidéo virale d’une éducatrice levant la main sur une jeune fille. Plus tard, dans la presse, on lira ses propos qui explique qu’elle a eu ce geste impulsif envers l’élève parce que celle-ci « ne se concentrait pas sur le cours et passait son temps à écrire des poèmes d’amour » – ce qui n’a rien d’extra­ordinaire en soi, comme bêtise d’adolescent. Mais le fait met en évidence un visage de plus en plus dangereux de notre société : la banalité de la violence. Mais encore : si le cas de violence citée ici aurait pu être géré et traité dans le calme, l’intervention de milliers d’inconnus aux intentions improbables rend la situation encore plus difficile.Les discussions se focalisent sur le bien-fondé ou non d’avoir recours à la violence pour recadrer un enfant inattentif ou difficile, parfois avec force arguments populistes et toujours cette idée simpliste qui associe très gratuitement le non-usage de la violence à une totale permissivité. Oui, certes, il est légitime – et même salutaire -  et autorisé par la loi d’avoir une opinion et en particulier dans une telle situation qui concerne chacun de nos enfants : mais quand on en arrive à l’humiliation d’autrui, à l’insulte indigne et inutile, voire au harcèlement… Que faire ? Une personne qui un jour a eu un geste malheureux sur autrui a-t-elle forcément un mauvais fond   Une jeune fille qui un jour a été protégée car elle a reçu des coups sous le prétexte de l’éduquer est-elle vouée à l’échec puisqu’elle n’aura pas « bénéficié des bienfaits de la ceinture » pour la recadrer ?  Bien sûr que non. Mais si la juste mesure des choses n’est jamais atteinte, celle des mots, encore moins. À aucun moment, la portée des propos violents et gratuits ne semble ni gêner, ni indigner. Le fait qu’ils soient proférés par de parfaits inconnus les rend encore plus tristes : ainsi, on est cette société qui n’est donc plus capable de bienveillance envers nous-mêmes, pas même virtuellement. Comment pouvons-nous espérer être collecti­vement si peu bienveillant les uns envers les autres et s’attendre à ce qu’individuellement nous soyons imperturbable, fort, courageux et même digne de confiance? Lorsqu’une vétille qui fait plus rouler les yeux qu’autre chose conduit une personne à perdre toute sa maîtrise de soi, on est en droit de se demander tout le stress quotidien qui amène à un tel comportement. Il est pratiquement impossible aujourd’hui d’avoir un conflit sans le gérer par des menaces sur l’intégrité physique, par des propos méprisants et/ou insultants et même par le passage à l’acte violent voire mortel. L’entourage prend l’habitude de regarder faire : l’exemple du meurtre fratricide d’Andapa démontre bien la triste banalité du sang  versé, et la nonchalance de la population face à l’acte violent. Nous sommes témoins, nous sommes acteurs et même commanditaires de cette violence quotidienne. Mais la rapidité avec laquelle ces images de violence deviennent virales (vitesse inversement proportionnelle à la lenteur des actions pour la prévenir) à travers les réseaux sociaux rendent l’acte proche, facile, envisageable donc possible à tout instant.  Les réseaux sociaux deviennent le lieu de lapidation par excellence, avec l’usage abusif des captures d’écran et la décortication systématique de tous les aspects de la vie d’une personne qui n’a aucune responsabilité politique ou élective mais jetée en pâture pour satisfaire la soif de parfaits inconnus. Nous avons dépassé des besoins de réseautage et de communication : nous nous divisons, nous nous rendons mutuellement invivables, nous nous incitons au harcèlement d’autrui et nous nous donnons, mine de rien, un comportement de lyncheurs. Et si le débordement virtuel est pénible à vivre, la situation au-dehors est difficile à comprendre. Créer collectivement un climat délétère et faire payer un administrateur de groupes de réseaux sociaux pour ce qu’on n’a pas appris à gérer ensemble. Mobiliser un ministre pour un cas de violence scolaire, tandis que la situation d’Antsakabary et Andapa – et bien d’autres localités tristement célèbres – restent dans le flou. Etc., etc., etc. Disons qu’en l’occurrence, l’exemple vient d’en haut, d’en bas, d’à gauche, d’à droite et du dedans. C’est nous. Par Mialisoa Randriamampianina
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