Rainilaiarivony acculé par le mécontentement populaire


Cette fois-ci, la série des prochaines Notes va résumer les importantes raisons et les prétentions qui poussent la France à coloniser Madagascar, avec d’autres pays africains. Après la mort de Radama II, les prétentions étrangères sont un souci permanent pour le gouvernement d’Antananarivo. Ce dernier s’efforce d’annuler les « clauses désastreuses » de chartes accordées par le roi à Lambert et au commerçant anglais Caldwell, ainsi que les traités de 1862 passés avec la France et l’Angleterre. Ces documents sont dénoncés par Raharo dès 1863. Mais c’est Rainilaiarivony qui parvient, après quelques années de luttes sur le plan de la politique extérieure, à rétablir l’intégrité territoriale du royaume. « Il reconnut la liberté des cultes, l’interdiction de la traite, accepta l’activité des étrangers traitants et colons, mais refuse leur accession à la propriété de la terre malgache », affirment les auteurs du livre d’Histoire de 1967. Les Anglais acceptent, dès 1865, ce traité plus favorable que celui de 1820 passé avec Radama Ier. Les Français, eux, discutent âprement malgré les conseils de Jean Laborde, pour finalement signer en 1868, après quatre années de « discussions tortueuses ». « Tant de mauvaise foi rejeta définitivement le Premier ministre dans le camp des Anglais. » Toute sa politique, après 1868, repose sur cette stratégie qu’il n’abandonnera jamais. Il s’agit pour lui de favoriser les ressortissants britanniques pour conserver contre la France et ses prétentions coloniales, l’aide précieuse de l’Angleterre. Cinquante ans plus tôt, Robert Farquhar, gouverneur de Maurice, propose déjà cette politique à Radama Ier. Mais les querelles franco-malgaches recommencent à propos de la succession de Jean Laborde, mort à Antananarivo en 1878. Elles s’enveniment encore lorsque Rainilaiarivony conteste le protectorat français dans le Sambirano. En 1882, une ambassade malgache est envoyée à Paris, puis à Londres « pour constater avec regret, que l’Angleterre n’interviendrait pas en faveur des Malgaches en cas de conflit franco-malgache ». Les opérations commencent en 1883, Ranavalona II tourne le dos en juillet de la même année, en pleine guerre. La nouvelle souveraine, Ranavalona III, est choisie par le Premier ministre qui devient son époux. Une fois encore, des combats se déroulent dans les ports de la côte orientale. Les Français sont tenus en échec dans la région de Toamasina par Rainandriamampandry. « Inconscient du danger réel malgré l’avis de ses ambassadeurs, Rainilaiarivony demeurait intransigeant et poursuivait sans faiblir son œuvre de rénovation du royaume. » En 1884, les Fokonolona de l’Imerina peuvent obtenir des conventions (Dina) et participer eux-mêmes à leur administration dans le cadre des affaires publiques y compris la police. Car les innovations du Premier ministre font de plus en plus appel au peuple de l’Imerina. Mais cette œuvre est, chaque année, contrariée davantage par les évènements. Il finira par accepter de signer le traité du 17 décembre 1885, parce qu’il redoute une révolte du peuple que la guerre appauvrit encore. Un traité « qui donnait à la France un résident à Tananarive et le droit de représenter Madagascar dans toutes ses relations extérieures ! » En obligeant le gouvernement royal à emprunter à une banque française, le Comptoir d’Escompte, pour régler l’indemnité de guerre de 10 millions de francs, le résident français, Le Myre de Vilers, porte à Rainilaiarivony le coup de grâce. La majeure partie des recettes de l’État, impôts de la piastre et droits de douane, est absorbée par le règlement de l’emprunt. Dès 1885, l’échec du Premier ministre apparait aux observateurs locaux comme étrangers. Son despotisme, son désir de tout régler dans le royaume accumule les dossiers sur son bureau. « La lenteur des règlements administratifs, des erreurs de jugement en découlent. » En outre, sa méfiance à l’égard de la jeune génération, dont certains ont été formés en Europe, le prive du concours de gens capables d’occuper des postes importants. « Un préjudice grave pour l’État au moment où la menace coloniale se précise. » Car au contact des Européens de plus en plus nombreux sur le littoral et les Hautes-terres, l’élite prend de plus en plus conscience de la situation. « C’est un patriotisme qui nait dans le contexte du conflit. » Le peuple éprouve également de la colère « contre le Premier ministre qui augmente sans cesse ses charges, et contre les étrangers toujours plus avides de profit ». Une angoisse collective se répand dans les villes où les innovations, les conceptions occidentales ébranlent l’édifice social traditionnel. En fait, le refus d’une évolution résulte de la solidité des mœurs et des coutumes.
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