Élevage - Les retombées locales d’un projet tout miel


La redynamisation de l’apiculture dépend de l’évolution des techniques ainsi que de l’importance de l’investissement. Des paysans de la région Anosy s’empressent de donner une nouvelle impulsion à la filière miel. Une alternative de développement. C’est ce que l’on peut espérer de la filière apicole s’il retrouve son rythme des années 40. À cette époque, la filière constituait un maillon essentiel de l’économie malgache. Elle était la troisième source de devises du pays. Aujourd’hui, elle n’apporte quasi plus rien à celle-ci. La quantité de miel exportée diminue progressivement,  passant de cent vingt tonnes à dix sept tonnes entre 2012 et 2014. Soit une diminution de plus de 85%. Cependant, dans les années 90, l’exportation dépassait la barre des trente cinq mille tonnes de miel. La perte de parts de marché est surtout due à la non-conformité en termes de qualité et de normes sanitaires des produits malgaches. Aussi, la production de miel n’est-elle plus que de trois mille tonnes – avec plus de dix mille producteurs dans tout le pays – contre plusieurs milliers dans les années 30. Pour ce qui est de la consommation, elle était autrefois de l’ordre de quatre kilos par habitant par an. En ce moment, elle oscille autour de cinq cents grammes, soit une demande annuelle de soixante quinze mille tonnes. Bref, l’offre ne satisfait même pas la demande locale. Dans l’ensemble du pays, la majorité de la production provient de la cueillette (50%) et du système d’exploitation traditionnel (35%), le reste (15%) étant issu de l’exploitation améliorée et de l’exploitation moderne, selon les chiffres du ministère de l’Élevage. En dépit de ce déclin, les acteurs du secteur n’ont pas baissé le bras. Et les résultats de leurs actions se font sentir peu ou prou. L’année passée, quelques signes d’un léger rebond ont été constatés. Entre 2014 et 2015, le volume d’exportation a triplé, soit cinquante quatre tonnes, ce qui représente près de 186 000 dollars en valeur. « Encore faut-il organiser la filière et présenter l’abeille comme une nouvelle filière animale pour qu’elle redevienne significative dans l’économie. Sans professionnalisation, le miel est condamné à occuper une place périphérique dans l’économie globale », explique un économiste. [caption id="attachment_22648" align="aligncenter" width="300"]La fabrication de produits à base de miel augmente les bénéfices. La fabrication de produits à base de miel augmente les bénéfices.[/caption] Des impacts négatifs sur la production Au lieu de se contenter de vendre le produit brut, le GIZ aide les paysans à trouver les moyens d’ajouter de la valeur aux produits apicoles. D’ailleurs, il est facile de réaliser des bénéfices en fabriquant des cosmétiques, des bougies, etc. Ce qui importe c’est d’avoir une bonne connaissance des composants et des produits ainsi que l’accès à des contenants de petite taille pour l’emballage et la commercialisation. C’est dans cette optique qu’« en 2015, non seulement nous avons formé cent vingt six femmes en art culinaire, en cosmétique ainsi que dans la fabrication de bougies, mais nous les avons aidées également à avoir plus de visibilité sur le marché, en facilitant l’accès aux contenants et aux étiquetages », indique Volaniaina Harisoa Robsona. Si, avec l’appui du projet, les paysans concentrent leurs forces dans la lutte contre la pauvreté et ses manifestations les plus criantes, comme la malnutrition et l’accès aux soins, d’autres facteurs risquent de réduire à néant et rendre amers leurs efforts. Outre l’état de la route nationale qui rend difficiles et plus coûteux les contenants, l’unité ministérielle, pour délivrer les divers certificats pour la commercialisation des produits demeure inexistante. Ainsi, le « kere » pour la région Androy et la maladie Varroa impactent négativement sur la production. « L’existence de cette maladie engage des coûts supplémentaires et cette situation  démotive les paysans », déplore-t-elle. Enfin, la lenteur de la prise de conscience par les paysans de la rentabilité dans les méthodes d’ apiculture améliorées, la difficulté à réaliser les investissements nécessaires tant pour des raisons psychologiques que par manque de moyens financiers, restent des facteurs de blocage. L’obstacle est, évidemment, plus facile à surmonter pour les amateurs qui n’ont guère de pression économique sur les épaules. [caption id="attachment_22649" align="alignleft" width="215"]Les apiculteurs ne doivent plus se contenter de vendre leurs produits sous forme de cire artisanale ou de miel liquide. Les apiculteurs ne doivent plus se contenter de vendre leurs produits sous forme de cire artisanale ou de miel liquide.[/caption] Régions du Sud - Trois raisons pour épauler la filière Résilience face à l’insécurité alimentaire. C’est le rôle de la filière miel dans le Sud de Madagascar. Le projet du GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), « Résilience par chaîne de valeur », tend à remettre sur les rails le train du développement du miel dans les régions Androy, Anosy et Atsimo-Atsinanana. En effet, la vente de miel constitue, pour les paysans un revenu supplémentaire surtout en période de soudure. Ce revenu va permettre à chaque ménage d’accéder à une éducation et à des soins de qualité dans un cadre et des conditions de vie qui donnent envie d’y vivre. Ces trois régions recèlent, à ce jour, trois mille apiculteurs, dont mille quatre cents à Anosy. « Nous avons choisi d’appuyer cette filière pour diverses raisons. Premièrement, la région a  des potentiels énormes mais inexploités. Deuxièmement, dans l’objectif d’éradiquer la pauvreté, l’apiculture se présente comme génératrice de revenus considérables si l’éleveur possède entre trois à cinq ruches. Enfin, son développement rime avec protection de l’environnement », explique Volaniaina Harisoa Robsona, cadre de la chaîne de valeur au sein du GIZ. Toutefois, la filière n’apporte pas encore le miracle espéré, puisque le revenu généré dépend entièrement du mode de production ainsi que de l’importance de l’investissement. Une ruche vide vaut, par exemple, entre 90 000 et 120 000 ariary alors que la colonie des abeilles a un autre prix. De ce fait, face à la vulnérabilité des paysans, le GIZ a décidé d’épauler matériellement les éleveurs vulnérables. Sans compter les enfumoirs et les masques distribués aux paysans, « nous avons mis à leur disposition deux mille huit cents ruches, soit deux ruches par apiculteur dans la région Anosy. Mais sous condition : les éleveurs fabriquent deux ruches en contrepartie de celles qui leur sont données», conclut notre interlocutrice. [caption id="attachment_22650" align="aligncenter" width="300"]Les apiculteurs doivent utliser à des contenants de petite taille. Les apiculteurs doivent utliser à des contenants de petite taille.[/caption] Bonne opportunité mais goulot d’étranglement Comme les paysans en sont encore au stade d’élevage des reines d’abeilles et pour la fidélisation des colonies, la production est estimée à cinq tonnes. « Or, la production optimale de ces ruches se chiffre à soixante sept tonnes. Mais il est toujours question de professionnalisation », déclare Volaniaina Harisoa Robsona, cadre de la chaîne de valeur au sein du GIZ. Pour rappel, une ruche peut produire en moyenne six kilos par saison. Et si les abeilles sont en pleine forme, il pourrait y avoir quatre floraisons en une année, donc une production annuelle de vingt quatre kilos par ruche. Afin d’atteindre cet objectif, le projet a mis aux côtés des paysans des techniciens pour les accompagner. « Nous les appelons apiculteurs leaders. Il y en a vingt six répartis dans toutes les communes », continue-t-elle. Des entrepreneurs ont su exploiter l’opportunité et vendent maintenant du miel de caféier en pot de quatre cent quarante grammes au prix de 8 000 ariary. Et, la production peut aller jusqu’à deux mille cinq cents pots en quatre mois. [caption id="attachment_22651" align="aligncenter" width="300"]De jolis pots pour obtenir une valeur ajoutée non négligeable. De jolis pots pour obtenir une valeur ajoutée non négligeable.[/caption] Cependant, un goulot d’étranglement se situe au niveau de la commercialisation. Les produits sont amenés sur les marchés des villages par les producteurs pour être vendus, soit directement aux consommateurs soit à des collecteurs. Malgré la proximité du grand port Ehoala, les apiculteurs ont du mal à pénétrer le marché international vu que leurs produits ne répondent pas encore aux normes exigées. En terme de qualité, le miel est mesuré pour sa teneur en eau et le pourcentage recherché est de moins de 21%. La pureté et la bonne filtration du produit sont aussi recherchées. La difficulté de répondre à la qualité réside surtout dans le fait que l’analphabétisme persiste. Textes et photos : Moïse Fanomezantsoa
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