Littoral Atsimo Andrefana - Des établissements hôteliers fuient les normes


Le soleil et la plage de Toliara attirent les touristes. L’Office du Tourisme avance que quelques soixante dix mille étrangers par an, sillonnent notamment le littoral avec des plongées sous-marines, des ballades en quad, du surf ou tout simplement pour vivre la chaleur intense de la région. Trois cent quarante cinq établissements hôteliers, toutes catégories confondues, sont recensés officiellement dans toute la région Atsimo Andrefana. Beaucoup sont tout juste, hors-la-loi. Goulots En arpentant la RN9, tout commence à Beravy, à vingt-trois kilomètres de Toliara, le fokontany qui abrite un super point de vue de la mer. La plage sert également, normalement, de « port » des pirogues. Le délit constaté est une construction d’une cloison en dur à ce point de vue, entourant la plage. Une cloison qui, non seulement, cache la vue sur la mer bleue, mais est érigée, à moins d’un mètre de la chaussée de la RN9, fraichement réhabilitée. La chaussée se trouve à près de quinze mètres de la mer. Le fokonolona et les piroguiers auraient vendu cette parcelle de plage à un privé. C’était en 2018. L’idée était d’en faire une petite station de détente avec parasols et restauration. Le ministre de l’Aménagement et des travaux publics, lui-même, de passage dans cette partie de l’ile, une année après l’élévation de la cloison, avait demandé à ce que celle-ci soit enlevée et tous travaux de construction soient arrêtés. Beravy fait partie des douze fokontany qui composent la commune rurale de Belalanda, de même que Mangily et Ifaty. « Aucune demande, aucune entente, aucun contrat de vente ni de location, aucune demande de permis de construire n’est passé par la commune. Les riverains ont juste engagé un contrat avec un privé pour la cession de cette parcelle à Beravy», explique Gauthier Fanintona, adjoint au maire de Belalanda. Cette partie de la plage étant un domaine public, tout projet d’achat et d’aménagement doit passer par les autorités publiques. [caption id="attachment_117931" align="aligncenter" width="332"] L'adjoint au maire de Belalanda Gauthier Fanintona dit avoir donné un permis de construire.[/caption] Le service régional de l’Amé­nagement du territoire pour Atsimo-Andrefana indique que la vente d’une parcelle doit tenir compte du fait que celle-ci « devrait être distante de 25m du rivage de la mer  ». Ce qui n’a pas été respecté pour ce cas. Sans permis de construire, aucune construction n’est donc pas possible. La cloison de Beravy est restée bien que les travaux ont été arrêtés. Le fokonolona demande à la commune de démolir les autres constructions sur cette partie du littoral, qu’ils jugent illicites, sans quoi ils ne procèderaient pas à la démolition de la cloison. [caption id="attachment_117932" align="aligncenter" width="500"] Peu d'établissements suivent les normes en Termes de construction sur le littoral Nord de Toliara.[/caption] Guerre ouverte Deux hôteliers à Mangily s’affrontent devant le tribunal actuellement. L’un se dit lésé par la nouvelle construction que son voisin a érigée à quelques centimètres de sa bâtisse. L’autre nie d’être en tort. Au mois de septembre 2020, les nouveaux propriétaires de l’hôtel ex-«Vovotelo » entament des travaux de construction et d’extension. Un gite a commencé à se mettre en place, juxtaposé à l’immeuble à étage déjà érigé, appartenant à l’hôtel Ifaty Beach Club, un trois étoiles. Il y a tout juste 70 cm d’espace entre les deux bâtiments, séparés par une cloison en matériau local, du jonc appelé localement « vondro ». Une cloison montée par les nouveaux propriétaires. [caption id="attachment_117933" align="aligncenter" width="494"] Du jonc sert de cloison entre-deux établissements hôteliers.[/caption] Aux dernières nouvelles, malgré l’injonction du tribunal pour arrêt, les travaux ont néanmoins continué chez l’Ex-Vovotelo. Cette propriété nouvellement acquise par Payot et ses amis, il y a quelques années, était sous suspension judiciaire, selon les précisions de la direction régionale du Tourisme. Aucune levée de suspension n’a été présentée officiellement. Aucune demande de réouverture d’exploitation touristique non plus. [caption id="attachment_117934" align="aligncenter" width="518"] Quelques centimètres d'espace entre les deux bâtisses de Mangily.[/caption] Autorisations L’ex-Vovotelo a obtenu un permis de construction en bonne et due forme de la part de la commune rurale de Belalanda, mais n’a pas eu l’aval du service de l’Aména­ge­ment. Des questions sur les règles de l’urbanisme, l’agencement harmonieux des constructions, du permis de construction obtenu en un temps record restent sans réponse. Les précisions techni­ques du service de l’Aménagement sont claires. « Une construction peut être à la limite du mur mitoyen et non d’une bâtisse. La distance à partir d’un mur mitoyen est normalement de 4m. » Le mur mitoyen entre les deux hôtels de Mangily est situé à quelques centimètres de chacune des constructions et il n’y a donc pas de servitude légale de passage entre les deux hôtels. La demande de permis de construire validée par la commune n’a pas encore reçu un avis technique du service de l’Aménagement. L’affaire attend la décision de la justice. [caption id="attachment_117935" align="aligncenter" width="427"] La maison de l'ex. Vovotelo adossée à l'immeuble de l'ifaty beaux club.[/caption] Patrick Garcia, propriétaire de l’hôtel Ifaty Beach Club Mangily «Le jonc ou le vondro n’est pas convenable pour les établissements hôteliers trois-étoiles. Une moindre petite cigarette mal éteinte et tout peut partir en feu et détruire mes vingt cinq années de dur labeur. La maison à étage qu’ils ont dressée devant notre immeuble est tout simplement inacceptable. Parce que l’immeuble était déjà là bien avant que ces nouveaux voisins débarquent. Il n’y a aucun respect des espaces de séparation, aucune considération de l’intimité et du droit à l’ensoleillement. Si au début, nous pensions à en faire des chambres familiales, vu que le rez-de-chaussée n’est plus du tout éclairé, ce n’est pas possible d’en faire une habitation convenable. J’ai entamé des poursuites pour arrêt des travaux au tribunal depuis la fin du mois de novembre. Une injonction pour arrêt des travaux a été obtenue jusqu’à ce que tous les papiers des voisins soient en règle. » François Payot, un des actionnaires de la nouvelle exploitation de l’hôtel ex-Vovotelo de Mangily : « Tout est en règle. Le voisin, lui, a le droit d’ériger un immeuble et nous, nous n’en avons pas ? Nous laissons la justice faire son travail pour ce cas car nous avons engagé un avocat dans cette affaire et on verra s’il y a construction illicite ou pas, qui a tort, qui a raison. Le Vovotelo n’a pas été exploité ces dernières années car l’ancien propriétaire n’a pas trouvé d’acquéreurs. Il n’y a pas de régularisation de paperasses à faire car tout a été fait dans les règles depuis le départ, avec notaires et avocats. Je ne vois pas en quoi cela pourrait nuire au Tourisme. Pour moi, le danger c’est quand il y a des articles dans la presse française sur des soi-disant réseaux de pédophiles dans la région ». Ailleurs… Un peu plus au nord, de nombreux hôtels ne respectent la servitude de passage de 25m partant du rivage de la mer. Des bungalows, des tables et chaises pour la restauration frôlent la mer notamment en marée haute. « Jusqu’ici, il n’y a jamais eu d’accident. Nous avons juste utilisé le maximum d’espace car notre parcelle n’est pas très vaste », se justifient des propriétaires. Des bungalows sont construits à la va-vite sans la main qualifiée d’un conducteur de travaux. Les bois servant de pilotis peuvent casser du jour au lendemain, rendant les bungalows à risque. Les portes et fenêtres sont à demi-fermées à tel point qu’un enfant de 4 ans peut juste les pousser pour les ouvrir alors qu’elles sont dites « fermées à clé ». À Ambatomiloha, toujours sur le littoral nord, des chambres d’hôtes se transforment par silence en hôtels. De petites auberges de fortune poussent ici et là à Befandefa, Salary, Ambohibe sans passer par les autorités compétentes. À Andavadoaka, des constructions hôtelières peu respectueuses des normes sont vues comme « normales » car en haute saison, la capacité d’accueil fait défaut. Il y a tout juste une bâtisse avec un toit où dormir, et un espace servant de salle de bains, et cela s’appelle un hôtel. [caption id="attachment_117936" align="aligncenter" width="421"] Le respect des 25m du rivage se présente difficile pour certains.[/caption] La règle à suivre Pourtant suivant l’arrêté numéro 4912/2001/ MinTOUR du 19 avril 2001, toute demande d’ouverture et d’exploitation hôtelière devrait comporter au moins une esquisse du projet, un plan d’assainissement des eaux usées, eaux-vannes et eaux de pluie. Un hôtel sur dix a présenté ce plan d’assainissement. Même si les hôtels sont catégorisés en un ou deux ravinala, deux ou trois étoiles, des normes s’imposent pour toute construction hôtelière. Le recensement officiel de trois cent quarante cinq établissements a déjà augmenté, à voir ces bâtisses construites ces trois dernières années, sans être enregistrées légalement. « Le plan cadastral du terrain, bien qu’obligatoire, est un autre critère difficilement rempli par les investisseurs touristiques. Nombreux de ces terrains occupés par des établissements hôteliers n’ont pas ce plan cadastral. La raison est que les propriétaires réels des terrains, des Malgaches, n’arrivent pas à régulariser ce point auprès du service des Domaines », explique la direction régionale du Tourisme d’Atsimo Andrefana. Les étrangers, s’ils ne sont pas mariés à des Malgaches, ne peuvent qu’engager des contrats de location avec les propriétaires de terrain. [caption id="attachment_117937" align="aligncenter" width="430"] Des hôtels ne disposent pas de plan d'assainissement pour les eaux usées.[/caption]
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