Faits d'artifice


Un programme fastueux, comme à l'accoutumée s'annonce pour la fête nationale, une appellation finalement plus appropriée que la fête de l'indépendance qu'on n'a jamais eue et derrière laquelle on court toujours de façon acharnée. Des dépenses faramineuses seront dilapidées durant les festivités pour la cérémonie militaire à Mahama­sina, la réception grandiose à Iavoloha et les feux d'artifice à Anosy. Quelques jours de fête pour entretenir l'illusion dans un pays pataugeant dans une pauvreté illogique et inadmissible. Des distributions de vivres sont aussi prévues pour les indigents pour quelques jours de bonheur. On attend toujours un régime qui osera mettre fin à ce grand cirque et adopter une célébration à la hauteur des moyens de l'État, moins truculents,moins trompe-l'œil. Personne n'en voudra au Président Rajaonarimampianina de décréter une fête sobre et digne, sans froufrou ni paillettes. Au contraire, l'opinion saura apprécier cette retenue, cette maturité. Après tout, la population assaillie par mille et une difficultés n'a pas le cœur à la fête. Et d'ailleurs, elle se demande ce qu'on fête en réalité étant donné que l'indépendance en question a été plutôt une déception, la République un illustre inconnu. On est passé de la royauté à la République après la parenthèse coloniale sans transition, ou plutôt si, mais cinquante ans plus tard au point de fouler aux pieds les symboles de La République pour divergence politique. On ne devrait jamais avoir honte de ce qu'on a.  On ne fera pas de grandes fêtes pour les beaux yeux de la communauté internationale ou pour faire transparaître une certaine réussite, une aisance postiche, une puissance usurpée d'un parti. La modération et le sens de la mesure font partie de la bonne gouvernance. La population aurait aimé que les dépenses englouties par ces festivités soient affectées à la constitution d'un filet de sécurité pour alléger, de façon permanente, sa peine en lieu et place des donations ponctuelles qui servent plus ceux qui les donnent que ceux qui reçoivent. À l'image des feux d'artifice (qui , soit dit en passant, constituent trois-quarts d'heure d'enfer pour les parturientes de la maternité de Befelatanana dont certaines accouchent prématurément), les vivres ne durent que le temps d'un repas. Pour parodier le Président, la lutte contre la pauvreté nécessite également des projets structurants au lieu de l'illusion des faits d'artifice. Sylvain Ranjalahy
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