Ambivalence d’un Pape simple


L e 13 mars 2013, l'Histoire a fermé une parenthèse de huit ans qui a été ouverte le 19 avril 2005 quand Joseph Ratzinger (né en 1927) reçut la consécration du conclave en devenant le Pape Benoît XVI. Un intermède ou le pont entre deux personnalités qui, niveau charisme, peuvent prétendre sortir d’un même moule. Deux papes et deux époques mais deux pontificats qui auront marqué Madagascar. Quand Jorge Mario Bergoglio est élu Pape sous le nom de François, le monde catholique, qui était alors scellé par le sceau d'un conserva­tisme strict, a ouvert la porte d'un pontificat marqué par une ambivalence : celle où s'affirment à la fois un côté conservateur et une tendance révolutionnaire sous-jacente. Quand il estime que l'embryon humain a droit à une « garantie juridique (...) depuis le premier instant de son existence », son inflexibilité manifeste son caractère inébranlable sur la question des mœurs, tels que les conçoit le Vatican qui est aussi intransigeant que son souverain pontife. Mais co-existe avec cette rigueur, une propension à casser l’hermétisme : ce côté inaccessible de l'État pontifical. Avec la fermeté, il y a aussi une dynamique indéniable de l'ouverture. L'ouverture, c'est quand il sortit ces phrases qu'on n'imaginerait pas être celles d'un jésuite : « Je pense qu'il (Blaise Pascal) mériterait la béatification. J'envisage de demander la procédure nécessaire et l'avis des organes du Vatican chargés de ces questions, en faisant part de ma conviction personnelle positive. » Quand on sait que le penseur proche du jansénisme Blaise Pascal est celui qui, dans Les Provinciales (1657), a déversé son venin sur les jésuites. Le côté inconcevable, c'est que cette conviction est celle du premier Pape issu de l'ordre fondé par Ignace de Loyola. Pascal, manifestement vu sans les œillères de l'orgueil et du ressentiment, est un échantillon de l'ouverture d'esprit du Pape. Cette mansuétude embrasse une multitude quand elle est dirigée vers les laissés-pour-compte de la société : les séquestrés de la prison de la misère. Fidèle à son adhésion à la «théologie argentine du peuple», une théologie de la libération, mêlant christianisme et marxisme, née dans les années 1960 en Amérique latine et qui fait des pauvres les moteurs de l'émancipation. À la faveur de cette inclination, toucher la sensibilité du cœur du Pape ne devrait pas être un défi pour le peuple malgache dont l’histoire est, pour le souverain pontife, comparable à « la longue traversée vers la Terre promise qu’a vécue le peuple de Dieu ». Une proximité avec la misère à la source de la sobriété et de la simplicité, principales caractéristiques du séjour pontifical en terre malgache. Une humilité, pas étrangère à l'émergence du charisme du personnage, qui contraste avec la tendance au bling-bling d'un peuple malgache aux abois aveuglé par un chauvinisme mal-placé. De l'humilité du Pape, tirons un rappel d'un enseignement du Christ peut-être utile au peuple malgache qui, au lieu d’essayer de la dépasser, tente en permanence de refouler la réalité de sa misère : « Car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé. »
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