L’enfant malgache n’a pas finalement de place privilégiée


Les statistiques établies sur les violences, dans les relations filiales et conjugales, ne sont que la partie émergée de l’iceberg, font remarquer les enquêteurs qui ont réalisé l’étude socioculturelle sur la violence familiale et domestique, fin 2000-début 2001, à Anatihazo-Isotry et Antaninandro ainsi que dans des institutions spécialisées. En particulier, concernant la violence entre les époux, car souvent les victimes refusent de révéler la vérité parce qu’elles éprouvent un sentiment de culpabilité ou de honte, ou par simple loyauté envers leurs agresseurs. D’autres raisons peuvent expliquer ce mutisme. La femme craint également d’être privée d’argent par son mari, si elle ne travaille pas, ou de compromettre la carrière de celui-ci dans le cas de violence morale. C’est pourquoi « les femmes malgaches préfèrent ne pas avouer leurs difficultés (mahari-pery, tsy mitaraina) ». Or, mise à part la violence physique, l’abandon de famille qui laisse la femme seule pour prendre en charge les enfants, la privation de soins et d’aliments pour la famille ainsi que les menaces verbales de toutes sortes constituent aussi différents types de violence. En abordant la violence dans les relations filiales, les enquêteurs posent d’emblée la question de savoir la place qu’a, culturellement, l’enfant dans la société malgache. La réponse, spontanée, est la même litanie : « Il est un bien précieux, une richesse qui doit être chéri, que l’absence de descendance est un malheur… » Pourtant, à partir de leur étude et en observant la réalité, les enquêteurs restent persuadés « que l’enfant n’a pas de place privilégiée finalement ». D’après eux, il a un statut social inférieur à celui des adultes dans la société. Dès lors, « les parents ne sont pas particulièrement aimants et le seuil de tolérance par rapport à la vie qui émane de leur progéniture est parfois même très bas ». Ainsi, l’enfant est très vite taxé de maditra dès qu’il exprime ses opinions, qu’il est un peu dissipé. Toutefois, il se manifeste des formes extrêmes d’éducation qui peuvent alterner gâterie excessive de l’enfant, délaissement complet et mauvais traitements volontaires. Évidemment, tiennent à préciser les enquêteurs, « la réflexion exposée s’inscrit dans une analyse socioculturelle globale et toutes les familles malgaches ne ressemblent pas à ce schéma ». Les résultats de l’étude montrent que les auteurs de ces violences familiales sont généralement les maris à 75%, les membres de la famille à 15%, les épouses à 6% et les enfants à 4%. Et les victimes sont à plus de 71% de sexe féminin et à 29% de sexe masculin. Ces auteurs présentent des cas pathologiques (comitiaux ou épileptiques, maniaques…), des handicapés sociaux (toxicomanes, drogués, alcooliques), des déséquilibrés mal dans leur peau. L’étude parle aussi des réactionnels, personnes qui, à force d’endurer des souffrances, finissent par imposer leurs lois en faisant souffrir à leur tour des personnes de leur entourage. Il est aussi question de certaines victimes d’injustices sociales, des enfants qui ne connaissent que la violence et qui en abusent à leur tour pour se défendre ou pour se venger de la société. D’après les pourcentages donnés précédemment, la femme est plus vulnérable face à la violence tandis que l’homme a tendance à être agresseur. Dans la plupart des cas, en tout cas, c’est ce qui est prouvé. Cela peut se traduire par les principes admis dans la société, notamment malgache, que « la femme est subordonnée à son mari, que les enfants sont les biens des parents et que l’épouse et les enfants seraient la propriété de l’homme qui peut les traiter à sa guise ». Enfin, en ce qui concerne l’âge, les enfants sont les victimes de mauvais traitements infligés par les adultes, ou d’abandon par leurs parents. Dans ce dernier cas, le plus jeune est, en général, sous l’autorité du plus âgé qui risque d’abuser de cette autorité. Dans tous les cas, les causes profondes des violences reposent sur la structure sociale, la situation sociale, la dissolution familiale, une enfance marquée par la violence, l’influence des bandes de quartier, des images télévisées mal assimilées, de l’alcool et autres drogues…
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