So British !


«Today - in a ceremony whose place, purpose and personnel are essentially unchanged for 1000 years - we celebrate the astonishing continuity of our country and our institutions» «Aujourd’hui - au cours d’une cérémonie dont le cadre, les usages et les acteurs n’ont fondamentalement pas changé depuis 1000 ans - nous avons magnifié l’incroyable permanence de notre nation et de nos institutions» : ces mots de l’ancien Premier Ministre Boris Johnson résument la cérémonie de couronnement de Charles III, ce samedi 6 mai 2023. Ce jour là, le poids des ans s’ennoblissait en patine du temps. Et la modernité rendit hommage à la tradition, se conformant à son protocole, qu’ailleurs on aurait appelé maintien de l’ordre. Il fallait voir cette foule immense, attendre avec calme et dans la discipline que des policiers, sans arme, leur ouvrent l’accès au parterre de Buckingham. Il y avait 1000 ans de respect dans cette absence de bousculade devant le palais royal. Des sondages prétendent que les Britanniques sont devenus monarcho-sceptiques. Et ces centaines de milliers de gens alors, parfois accourus depuis les anciennes colonies aujourd’hui composantes du Commonwealth ? La plus ancienne démocratie parlementaire du monde, n’est-ce pas. L’empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais : il faisait jour à Hongkong quand la nuit tombait sur les treize colonies d’Amérique. Alors, certes, c’est quoi la fierté d’être Anglais et Britannique, en 2023 ? Dans un Royaume-Uni dont les leaders politiques sont désormais Indian Hindu ou Asian Muslim : Rishi Sunak, Premier Ministre du Royaume ; Sadiq Khan, Maire de Londres ; Humza Yousef, leader du Scottish National Party et Premier Ministre d’Écosse depuis le 29 mars 2023. Ou quand Tata Motors préside désormais aux destinées de Jaguar et Land Rover. Et que 18% de la population serait non-Blanche. Depuis 1899 et «Le fardeau de l’homme blanc» de Rudyard Kipling, il en aura coulé de l’eau dans la Tamise. De toutes ces mers que contrôlait jadis la Royal Navy, assurant pour de nombreux siècles la suprématie britannique, accourt l’élément allogène du multiculturalisme britannique. Une tout autre époque depuis Victoria (1837-1901), le monde d’après Élisabeth II (1953-2022). Et pourtant, malgré les vicissitudes d’une «fainéantise» honorifique, à patronner des oeuvres caritatives, le prestige des Rois (et des Reines) fascine les foules et ne laisse pas indifférent les Chefs républicains. Ni même les peuples régicides (Elisabeth II, 1952-2022, Chronique VANF, 02.06.2022). La royauté, c’est un enchevêtrement que seuls les liens du sang peuvent rendre possible. Quitte pour le Kaiser Guillaume II (petit-fils de la reine Victoria) et le Tsar Nicolas II (oncle et beau-frère du Roi d’Angleterre), et donc George V (ledit Roi d’Angleterre), à parrainer l’absurde boucherie que fut la guerre de 1914-1918, saignant et dépeuplant l’Europe avant de suicider les dynasties Romanov, Habsbourg et Hohenzollern. C’est un Hohenzollern, Jean-Georges Électeur de Brandebourg, qui est l’ancêtre direct du roi des Hellènes, des souverains du Danemark, de Norvège, de Suède, de Yougoslavie, de Roumanie, de Bulgarie, des Pays-Bas, de Belgique, du Luxembourg, de France, de Monaco, d’Italie, de Portugal, d’Espagne, d’Autriche, d’Allemagne, de Grande-Bretagne et de Russie. Et malgré le massacre perpétré par les bolcheviks, le nom de Romanov se perpétue dans la postérité de François-Guillaume de Prusse, arrière-arrière-petit-fils du Kaiser Guillaume II, qui épousa la Grande-Duchesse de Russie. Dire que l’Allemagne, deux fois opposée à l’Angleterre en l’espace d’une génération, est doublement la terre des ancêtres de Charles III. C’est qu’en 1714, la reine Anne-Stuart laissa la couronne d’Angleterre à un lointain cousin allemand, l’Électeur de Hanovre, qui devint roi de Grande-Bretagne sous le nom de George 1er. En 1840, la reine Victoria épousa un prince allemand, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Mais, du fait de la guerre de 14-18, où l’Allemagne du pourtant cousin issu de germains Kaiser était l’ennemie, la branche anglaise s’anglicisa en Windsor. Ces liens aussi inextricables qu’anciens fascinent notre époque républicaine qui a gardé la nostalgie des rois. Il est finalement bien humain que des élus républicains usurpent un peu de la chose royale. Cet anachronisme est proprement hypnotique.
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