Droit d’inventaire


Les Soviétiques ont payé le plus lourd tribut : 26,6 millions de morts, dont 12 millions de soldats. C’est à ce titre que Staline avait exigé une deuxième capitulation de l’Allemagne, à Berlin, et devant le commandant des forces armées russes. Dans la nuit du 8 au 9 mai 1945, à Berlin donc, Wilhelm Keitel, chef du commandement de la Wehrmacht, le plus haut responsable militaire allemand, signait cet Acte de Reddition. Auparavant, le 7 mai, à Reims, Alfred Jodl, chef de l’État-major des forces allemandes, avait signé un autre Acte de reddition inconditionnelle qui ordonnait la cessation des combats à partir de 23h le 8 mai. Car s’étant adressés d’abord aux Américains, Les Allemands avaient espéré obtenir une paix séparée sur le front de l’Ouest, pour permettre à plusieurs millions de civils et soldats allemands sur le front de l’Est d’échapper à la future zone d’influence soviétique. Un peu plus tôt, les Alliés avaient déjà rejeté un renversement d’alliance pour contenir l’Armée rouge le plus loin possible à l’Est. Les Malgaches, enrôlés malgré eux dans une guerre qui n’était pas la leur, désignent les «guerres mondiales» par «Ady Lehibe», appellation reprise de la «Grande Guerre», que fut celle de14-18, et à laquelle avaient participé des soldats malgaches, au même titre que de nombreux réquisitionnés dans les territoires colonisés. Si la guerre de 39-45 contre le nazisme, et son idéologie inhumaine, avait pu avoir une justification morale au nom de notre Humanité commune, celle de 14-18 n’était que le prolongement des absurdes querelles entre des dynasties européennes rivales, quoique cousines. En ce sens, cette guerre, qui vit le «suicide des empires» (Hohenzollern, Habsbourg, Romanov) n’était pas la nôtre. Dès le 29 mars 1947, les Malgaches furent bien mal récompensés de leur «loyauté» envers une «Reny malala» dont les troupes vichyssoises avaient été balayées par les soldats britanniques de l’opération «Ironclad» (5 mai au 6 novembre 1942, avec la prise d’Antananarivo le 22 septembre). À cet égard, tandis que la France, occupée par les Allemands depuis juin 1940, pouvait célébrer une «Libération» (dont une avenue d’Analakely porte toujours la plaque), il est légitime de penser que cette guerre-là non plus, 39-45, n’était pas la nôtre. Les soldats malgaches engagés con t re les Allemands allaient revenir d’Europe contaminés par une absurde hostilité anti-germanique, succombant à la propagande française alors que les «Boches», les «Rainiboto», n’avaient jamais attenté quoi que ce soit contre Madagascar, sauf le vague projet d’une déportation des Juifs d’Europe sur la Grande île. Ce 9 mai, jour de la commémoration par les Russes de leur victoire de 1945, doit nous être une double occasion de porter un regard indépendant sur l’histoire d’hier et l’actualité d’aujourd’hui.
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