Une fondation missionnaire « purement » scientifique à Ambohidempona


La mort de Jean Laborde qui survient en 1878, vient interrompre la série des observations météorologiques qu’il poursuit depuis plusieurs années. Le gouvernement français s’inquiète alors et, cédant aux instances de l’explorateur Alfred Grandidier, la Mission catholique accepte de prendre cette « succession onéreuse ». La petite station météorologique qui est annexée au presbytère de Mahamasina est ainsi l’amorce d’un observatoire colonial. En prenant ses fonctions à Antananarivo, le premier résident général de France, Le Myre de Vilers, compte pousser activement les travaux de la carte de l’Imerina, entreprise depuis 1872 par le père Roblet. « Mais pour la finir, il fallait un astronome et des instruments afin de fixer la latitude et la longitude d’un point de la carte, et l’orientation ou azimut d’un des côtés de la triangulation » (Revue de Madagascar, Spécial Tananarive, 1952). Cet astronome pourrait, en parallèle, fournir à la capitale, une heure officielle « moins imprécise que celle des pauvres cadrans solaires », dont on se contente jusqu’alors faute de mieux. Le gouvernement royal, le résident général français et le Provincial des Jésuites acceptent ainsi l’idée d’une fondation missionnaire « purement » scientifique, dont relève la Mission de Mada­gascar. C’est ainsi que le père Elie Colin est désigné en 1887, pour fonder l’Observatoire de Tanana­rive. Pourvu au départ de France, d’un important matériel provenant de dons et de collectes, et ayant obtenu du Premier ministre Rainilai­arivony l’emplacement d’Ambohi­dempona, « le père Colin s’improvisa bâtisseur sur des plans dessinés par un architecte parisien. Avec sa façade de 32 mètres, ses tours rondes et ses coupoles métalliques, l’Observatoire a une excellente apparence ». Les observations météorologiques, l’étude des cyclones tropicaux et du magnétisme terrestre qui révèle localement des « caprices singuliers », l’établissement d’une heure locale exacte, la fixation de coordonnées géographiques irréprochables, les travaux de géodésie et de triangulation jusqu’à l’océan Indien, sont autant de travaux considérables que le père Colin assume seul et mène à bien. Toutefois, en 1893, son état de santé l’oblige à rentrer en France. Ses élèves malgaches poursuivent cependant le travail scientifique dans de bonnes conditions. Les échanges se font avec des organisations scientifiques françaises et étrangères « où le nom de Tananarive représente désormais quelque chose ». Ceci jusqu’au 18 septembre 1895, jour où le Premier ministre Rainilaiarivony, « cédant à la pression d’exaltés ou de pillards, ordonne la démolition de l’Observatoire sous un prétexte de nécessités militaires. Mais pour mettre sa responsabilité personnelle à couvert vis-à-vis de la France, il a pris la précaution de faire, en sous main, évacuer au préalable tout le matériel scientifique rassemblé en lieu sûr. Les pillards n’ont pas trouvé grand-chose ». Le 30 septembre 1895, l’attaque des troupes françaises s’opère par le versant oriental, notamment par Ambohidempona. Les murailles béantes y « récolteront quelques blessures supplémentaires par obus », avant que l’artillerie de la colonne volante prenne à son tour position sur la hauteur, « d’où quelques obus bien placés provoqueront la reddition de la ville et du gouvernement de la Reine ». L’Observatoire royal n’existe plus, mais chaque officier a, dans sa sacoche, les cartes de l’Imerina dressées par les pères Roblet et Colin,  éditées par Alfred Grandidier et par le Service géographique de l’Armée. « Ces cartes vont rendre un grand service pendant la période dite de pacification. » C’est seulement en 1898, que le père Colin, peut revenir à Ambohidempona et commencer à réédifier, pièce par pièce, à ses frais, un nouvel Observatoire qu’il ne peut d’ailleurs pas rétablir aussi bien que l’ancien, car c’aurait été trop onéreux. Le Service astronomique de l’heure est plus utile que jamais, ayant plus de clients. La météorologie va devenir une tâche de premier plan, car les études faites à l’occasion des cyclones de 1892-1893, « ont fait entrevoir la possibilité d’organiser un service d’avertissement des tempêtes ». Enfin, les anomalies magnétiques de Mada­gascar suscitent la curiosité des spécialistes en la matière. Un embryon d’observatoire est à peine installé que le général Gallieni lui impose un supplément de programme car des séismes effrayent la population en 1897 et 1898. « La Colonie achète vaille que vaille, un petit séismographe. » Puis les cyclones reviennent au premier plan et en 1903, le Service d’avertissement des tempêtes est instauré. « Il prend vite une importance saisonnière, puis s’accroît d’un système de signaux sémaphoriques pour navires en mer et, finalement, de transmissions par télégraphie sans fil. »
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