La Cour d’Antananarivo s’enrichit, les sujets s’appauvrissent


Le bombardement de Toamasina en 1845, au cours d’une attaque franco-anglaise a rompu les relations surtout commerciales de la Cour d’Antananarivo avec l’ile française de La Réunion et celle, anglaise, de Maurice. Les deux iles sont obligées de se ravitailler en riz et en viande, dans les ports qui échappent au contrôle de Ranavalona Ire, en particulier dans le Sud et le Sud-ouest. Les populations indépendantes qui s’y trouvent, enrichies par ce commerce et mieux armées, deviennent alors plus dangereuses. Parallèlement, le mécontentement grandit dans le royaume, écrivent les auteurs du livre d’ Histoire de Madagascar, réservé aux classes Terminales. En effet, la fermeture des relations commerciales avec les Mascareignes surtout, mais aussi l’Europe, frappe à la fois les marchands et les consommateurs. Pourtant, une minorité de privilégiés profite de l’évolution du régime. À savoir les parents de la reine et ceux de Rainiharo, les riches Hova et les Andriana pourvus de commandement, qui s’enrichissent davantage par le contrôle du commerce. C’est le peuple qui supporte le plus les charges de plus en plus lourdes. Le Code des 46 articles accentue les amendes, les peines, aussi bien pour les personnes que pour les Fokonolona. « La condition des hommes libres dépendait de plus en plus des privilégiés du royaume. » Même dans l’Armée, les grades inférieurs perdent les avantages accordés par Radama. Les différences, les contrastes sociaux augmentent entre ceux qui font fortune et le grand nombre appauvri par des redevances. Les corvées se multiplient, les privilégiés abusent de leur droit de réquisition. Pour échapper aux peines, les corvéables doivent s’incliner. Mantasoa, où Laborde obtient des réalisations remarquables, mobilise près de 20 000 corvéables pendant sa construction, puis des milliers de familles y travaillent par la suite. Il devient de plus en plus difficile aux borizano (civils) de trouver le temps de cultiver leurs propres rizières ou de pratiquer leur artisanat. « La destruction des usines de Mantasoa, après l’expulsion de Jean Laborde en 1857, s’explique en partie par le mécontentement de ces borizano et des esclaves ouvriers. » Par ailleurs, les dernières années du séjour des missionnaires sont marquées par un accroissement sensible des conversions, leur enseignement étant dirigé dans ce sens. Ces premiers chrétiens, très peu nombreux, sont traqués par la police de la reine. « On les accusa systématiquement en période de difficulté. Ainsi, Madagascar connut ses premiers martyrs en 1837 avec le supplice de Rasalama, de Rafaralahy et de leurs compagnons. » En 1845, en 1857, chaque répression est marquée par de nouveaux martyrs. Les auteurs du livre d’Histoire de 1967, affirment qu’il est encore difficile (à l’époque) de connaitre le nombre des victimes, car les témoignages et les évaluations ne concordent pas. À la même époque, l’armée est affaiblie par les pratiques de ses chefs. L’insuffisance de l’entrainement et le manque de discipline diminuent son efficacité. Les postes merina sont de plus en plus menacés dans le Nord, l’Ouest et surtout dans le Sud-est de l’ile. C’est dans l’Ikongo et dans les pays des Antesaka et des Antefasy que se déroulent les expéditions les plus meurtrières. La fermeture du commerce extérieur, de 1845 à 1853, rend le ravitaillement des postes éloignés plus difficiles. « Les populations insoumises devinrent de plus en plus conscientes de cet affaiblissement et les révoltes, les razzias se multiplièrent, de plus en plus proches de l’Imerina. Les Betsileo et les Sakalava s’enfuirent plus fréquemment de l’armée. » Ainsi, malgré la consolidation de quelques postes au cours d’expéditions lointaines, la partie méridionale de la Grande ile et le Menabe ne sont pas réellement soumis. Par contre, plusieurs chefs sakalava demandent à la France de les protéger. Bref, si la politique anti-européenne de Ranavalona Ire est approuvée par la majorité de ses sujets, c’est parce qu’elle incarne l’opposition à la colonisation, dont les dangers sont déjà apparus à Radama Ier. Mais son despotisme est mal supporté par les « borizano » qui aspirent, plus ou moins consciemment, à une vie meilleure. « Les impôts et,les corvées étaient durement ressentis par le peuple. »
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