Manif des femmes d’Avaradrano contre Radama


Dire qu’il s’agit d’un « rotaka », serait un peu fort. En tout cas, c’est bien une manifestation publique de mécontentement que lancent des femmes merina. Quand Radama Ier fait appel aux Anglais Brady et Hastie et au Français Robin pour mettre sur pied son armée, selon le modèle européen, plus précisément britannique, la modernisation touche autant la structure et l’organisation de l’institution que l’instruction et la tenue extérieure de ses éléments. C’est ainsi qu’à l’exemple du souverain, les soldats doivent avoir une coiffure courte, nette. En particulier, leur « sanga », toupet de cheveux longs qui s’enracinent au-dessus du front, doit disparaitre. La cérémonie se déroule à Sahafa. C’est une petite localité au sud d’Ambohimanga, où Radama installe le terrain d’exercice et d’entrainement ainsi que de démonstration de son armée, au cours de la prestation de serment des officiers et des soldats. C’est aussi à cette occasion qu’est prise la décision que tout homme « qui tourne le dos à l’ennemi » périra par le feu. Cette suppression du « sanga » n’est pas pour plaire à leurs conjointes. Deux versions sont données pour traduire ce mécontentement. Dans la première, les femmes Tsimiamboholahy d’Ilafy, Mandiavato d’Ambohidrabiby, Marovatana d’Ambohidratrimo, Ambodirano de Benasandratra (Fenoarivo) et les épouses de certains Voromahery (les Aigles, unité d’élite créée par d’Andrianampoinimerina) stationnés à Soanierana, se réunissent à Ambatoroka. Seules les Tsimahafotsy d’Ambohimanga refusent de participer à cette conférence d’importance, axée sur la suppression de ce « symbole de la virilité et de l’honorabilité » des hommes d’armes. De toute évidence, elles connaissent bien le caractère de « leur enfant », Laidama. Les manifestantes annoncent d’emblée la couleur : « Il est inadmissible que des Vazaha se permettent d’aller à l’encontre d’une institution ancestrale établie par nos anciens souverains. » Ici encore, deux interprétations sont données. L’une affirme que, quand Radama apprend aussitôt cette manifestation et sa cause, il enclenche une enquête pour en déterminer les leaders. Elles sont « au nombre de cinq ou six » et on les isole des autres participantes qui sont renvoyées chez elles. En fait, les meneuses sont retenues sur les lieux, sous bonne garde. Leur « assignation à résidence » dure quelques jours, dans une atmosphère, sans nul doute, assez angoissante. Durant une semaine, des émissaires royaux viennent régulièrement les harceler, qui « en heurtant leur front de leur bouclier », qui « en les effrayant de leurs sagaies et couteaux ». Tout cela accompagné d’invectives menaçantes. Au bout de cinq jours, elles sont conduites sur la Place d’Andohalo où elles reçoivent la plus grande leçon de leur vie, assortie d’un avertissement. « Si vous recommencez ce genre de manifestation, vous serez condamnées à mort. » Depuis, dit-on, « elles ont retrouvé la sagesse. » Une autre interprétation précise que, pour l’exemple, deux meneuses issues des Tsimiamboholahy d’Ambohitrarahaba auraient été sacrifiées à Ambatoroka, avant que les survivantes soient conduites à Andohalo. La deuxième version implique tout le peuple d’Avaradrano. En apprenant que le roi a coupé son toupet et l’exige de ses officiers et soldats, tout Avaradrano est outré. Croyant bien faire, il décide d’envoyer auprès de Radama des représentantes, afin de le conseiller, voire le réprimander « maternellement » pour un tel acte. « Qu’est-ce que ce comportement indigne d’un roi ? Jusqu’à maintenant, aucun des Douze Rois qui vous ont précédé, n’a agi ainsi ! ». En entendant ces mots, Radama serait entré dans une colère noire car, non seulement, elles viennent de contrecarrer sa volonté, mais surtout, « elles veulent me détrôner en remettant en cause ma décision ». Il les aurait alors condamnées à mort. Peu après, il rassemble son peuple pour le prévenir de ne plus jamais s’opposer à sa volonté. Le peuple qui se serait incliné devant la mise à mort de femmes d’Ambohitrarahaba, répond par un serment solennel d’obéir à toute décision royale, promesse devant laquelle le roi montre sa satisfaction à avoir de « véritables pères et mères ».
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