Du matériel archaïque pour bâtir des cases royales


«Mise en place par Ralambo, la symbolique du bœuf a dominé le règne d’Andrianam­poinimerina. Bien des expressions le prouvent : Ny vola no tandroky ny manana, l’argent est l’honneur (littéralement : la corne, la force, le soutien) des possédants », écrit Vincent Belrose-Huyghues (lire précédentes Notes). Dans un autre domaine, c’est avec une corne d’argent (tandro-bola) que le roi bénit son peuple, lors de la Fête du Bain. Les deux perches du toit doivent donc suggérer une idée de puissance, de supériorité. « Au départ, la symbolique a dû être cumulative, oiseaux plus cornes de bœufs, mais les cornes ont prévalu plus ou moins une grande longueur des perches. » Mais, fait remarquer l’auteur de l’étude sur « Un exemple de syncrétisme esthétique au XIXe siècle : le Rova de Tananarive », contrairement à l’affirmation d’Urbain-Faurec, la case n’est « primitive » « ni par sa symbolique (esthétique ?) ni par sa technique ». En fait, elle révèle « une utilisation optimum des techniques disponibles pour exprimer la dynamique sociale ». Il rappelle que la période précédant les années 1800 et remonte à Andrianjaka, fonde ses réalisations sur l’éclatement des pièces de bois et la ligature. « Avec cette technique, il était impossible d’obtenir des planches même de petites dimensions. » En revanche, il est facile de fendre des bambous en long pour obtenir des lattes et de tailler des pieux et des poteaux. Les liens sont obtenus par battage et séchage du « hafotra » qui donne une fibre comparable à celle du sisal. « Il ne semble pas qu’on ait employé le clou, du moins Jully, Grandidier et Decary l’affirment-ils. » Dans une autre étude, ce dernier laisse entendre que la métallurgie traditionnelle est capable de faire des clous à section carrée, « mais n’est-ce pas postérieur aux enseignements de Laborde et de Chick ? » Pourtant, fait remarquer Vincent Belrose-Huyghues, le mot « clou » en malgache est d’origine indonésienne (fantsika vient de pantik») et le clou européen porte le nom de fantsi-bazaha, à moins qu’il ne s’agisse de chevilles. Poursuivant ses remarques sur les techniques de construction, l’auteur indique que la formation des charpentiers par Nampoina, correspond sans doute à l’introduction d’outils comme les ciseaux à bois, coins de fer qui, montés sur un socle, donnent le rabot. « Il est pratiquement certain qu’avant 1820, on n’utilisa ni la scie ni la colle à bois. » Ce sont les missionnaires Jones et Griffiths qui renseignent sur l’outillage d’un menuisier à Ambohi­janaka : « Quand nous nous remémorâmes le matériel de l’artiste qui se composait seulement d’une hache, d’un ciseau à bois, d’un maillet rudimentaire et d’un petit rabot de sa propre confection… » De ce fait, en conclut l’auteur de l’étude, il est presque certain qu’aucune des cases du Rova visibles en 1975, ne date pas d’Andrianam­poinimerina. Les assemblages et la régularité des planches témoignent, selon lui, de l’utilisation de la scie, bien que les procédés d’assemblage soient bien de l’époque, réalisables avec un simple ciseau sauf les assemblages d’angles, « à moins de supposer l’utilisation de clou ». Les poteaux d’angle à l’époque sont équarris à l’herminette, tandis que les trois piliers (« andry ») sont simplement écorcés. « La production de planches avec de tels outils n’était pas une mince affaire ; on utilisait le procédé des planches éclatées qui consiste à enfoncer des coins de feu dans certains troncs de bois tendre (varonga et helatra). » Les planches ainsi obtenues sont rabotées, puis dressées en quinconce et maintenues par des traverses régulièrement espacées (adaptation de la technique du falafa). Comme chaque planche exige un travail considérable, la construction d’une seule case requiert un nombre important d’ouvriers. Avec le procédé des angles, on fabrique des volets et des portes d’assez grandes dimensions dont certains spécimens de l’époque de Radama, se trouvent alors dans divers musées. Ces volets sont décorés et historiés en bas relief par des Merina. L. Molet et l’équipe du Musée de l’Homme attribuent la plupart des œuvres plastiques du XIXe siècle à des Betsileo, Bara ou Antandroy, « razziées par Radama et Ranavalona ». Mais pour Vincent Belrose-Huyghues qui s’appuie sur les dires des missionnaires britanniques et sur l’étude de ces œuvres, la plupart datent d’avant 1840 et sont merina.
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