Président élu


Je suis respectueux du choix des urnes. Sinon, autant ne plus organiser d’élection. Andry Rajoelina est donc le nouveau Président de la République élu. Les règles de ce processus électoral avaient été établies d’après consensus et acceptées par tout le monde. Ni la candidature d’Andry Rajoelina, ni la candidature de Marc Ravalomanana ne furent jugées irrecevables. Marc Ravalomanana a laissé aux autres le soin de nommer le Premier Ministre, Chef de l’administration. Marc Ravalomanana a également «oublié» de réclamer à son quota le Ministère de l’Intérieur (qui est aussi celui des Collectivités décentralisées). Ni le 7 novembre, ni le 19 décembre, l’appartenance politique du Premier Ministre, ou le parti d’allégeance du Ministre de l’Intérieur, voire la composition de la Haute cour constitutionnelle, n’avaient été contestées. Voilà donc les règles établies et la posture démocratique veut qu’on ne change pas de règles en cours de jeu. Il fallait parler à l’époque ou se taire à jamais. C’est avec ces règles, dont on n’a plus à se demander si elles étaient ou non biaisées puisque tout le monde les avaient acceptées, qu’Andry Rajoelina a été élu Président de la République. Il est pour le moins paradoxal qu’on veuille analyser et disséquer les résultats proclamés par la Haute Cour Constitutionnelle: procéder à leur décryptage géographique et ethnique ; en tirer de savantes leçons sociologiques ; en dresser une belle cartographie électorale hexachromie, alors même qu’on conteste la légitimité de la HCC. À toutes les époques, et quelle qu’ait été sa composition, la mauvaise foi a toujours accordé une présomption de partialité à la HCC, «une institution de la République démocratique de Madagascar» comme le soulignait le titre d’un colloque scientifique en 1991. Comme si les candidats aux élections ne voulaient admettre que des résultats qui leur soient favorables. Dans cette logique, puisque la victoire du «Oui» à un référendum est d’emblée suspect de conforter le régime en place, recommencer ledit référendum autant de fois jusqu’à ce qu’un «Non», d’emblée plus légitime, parce que contestataire, l’emporte enfin. Dans cette même logique, si un deuxième tour présidentiel n’est pas «politiquement correct», organiser un troisième tour dans la rue jusqu’à ce que les élections soient invalidées, annulées, et indéfiniment recommencées. En 2013, des élections, organisées dans les mêmes conditions approximatives, avaient, cependant, permis à Madagascar de renouer avec le concert des nations. Cinq ans après, Madagascar avait encore la chance d’afficher une maturité démocratique en réussissant une autre élection à double tour, dans la dignité. Pour un quotidien modestement tranquille et pour une meilleure image du pays à l’étranger, nous en avions tellement besoin. Le jour où une élection chez nous se passerait de la caution de ces observateurs internationaux, à l’effectif d’ailleurs dérisoire pour véritablement attester de quoi que ce soit, Madagascar aura accompli un grand bond démocratique. Nous en connaissons désormais les conditions sine qua non et il faut nous y atteler dès maintenant pour les élections de 2023 : informatisation de l’état-civil, biométrisation réelle de l’identité, informatisation de la liste électorale, immédiateté et transparence des résultats par le vote électronique. La solennité de la cérémonie de proclamation a été malmenée par des hourras et des vivats qui tenaient davantage d’une manif dans la rue. En 2023, il faudra apprendre à se passer de la lecture fastidieuse d’interminables considérants. Il faudra également apprendre à renoncer à inviter pareille foule. Un meilleur protocole, sans cette bousculade propre à la multitude, nous aurait gratifié d’une poignée de mains symbolique entre les deux prétendants à la magistrature suprême : dans la reconnaissance du vaincu, se trouve la vraie gloire du vainqueur, et dans cette double élégance repose le consensus républicain.
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