De bons élèves bien proprets


Avec un total de quarante sept élèves en 1822, deux ans après son ouverture, l’école de David Jones, le Collège Royal, semble peu fréquentée. Elle est constituée de vingt-quatre garçons et vingt-trois filles, « selon toute vraisemblance appartenant à la noblesse » (Jean Valette). L’archiviste-paléographe se base sur le rapport du 17 juin 1822 établi par James Hastie et John Jeffreys qui y font une inspection en présence de Radama Ier. Si ce nombre est évidemment minime, il faut tenir compte des multiples activités en dehors de l’enseignement, qui occupent Jones. Il assure la direction de la Mission en sa qualité de Senior Missionnary. Il doit faire face à ses propres études sur la langue malgache. Enfin, on ne peut ignorer la difficulté propre à tout début, surtout si l’on considère l’absence presque totale de fournitures scolaires. De même, au moment de cette première inspection, l’école de Griffiths a, à peine huit mois, et lui-même n’est à Antananarivo que depuis un an. En outre, l’établissement est abrité dans un local provisoire qui n’est guère approprié à sa destination. Elle comporte quatre classes. La première ne compte que sept garçons. Durant ce premier contrôle officiel, les deux inspecteurs constatent qu’ils savent lire, épeler des mots de cinq syllabes, présenter des spécimens de leur écriture, expliquer le sens de plusieurs mots et faire des opérations simples. Dans la deuxième classe, le nombre des élèves n’est pas indiqué. Comme les précédents, « ils lurent des mots de deux syllabes, en épelèrent de trois et se livrèrent devant les inspecteurs à de la copie ». La troisième classe a six élèves, tous des garçons. Ils lisent distinctement des mots de deux syllabes et écrivent sur des ardoises. La quatrième classe totalise huit élèves, quatre garçons et quatre filles. Ils lisent et épèlent des mots d’une syllabe et écrivent sur des ardoises. Sans tenir compte de la deuxième classe, les effectifs de l’école de Griffiths s’élèvent à vingt-et-un élèves, dix-sept garçons et quatre filles, soit au maximum, en y incluant la deuxième classe, une trentaine d’élèves issus d’un milieu socialement moins élevé que ceux de Jones, comme le précisent les deux inspecteurs scolaires : « Quoique les enfants placés sous la direction de M. Griffiths ne puissent prétendre au rang social qui est celui de beaucoup d’élèves au Collège Royal… » Le rapport d’Hastie et de Jeffreys insiste sur l’attitude des élèves, leurs vêtements, leur propreté. « Pour quelqu’un habitué à rencontrer les enfants crasseux et presque nus qui se pressaient en foule à chaque village rencontré lors de notre voyage (Tamatave-Tananarive), et même dans la capitale, pour satisfaire leur curiosité en contemplant les vahiny (étrangers), le fait d’entrer dans la salle de classe (celle de Jones) et d’y voir l’ordre et la propreté qui régnaient partout, créait une sensation de plaisir telle qu’elle ne pouvait manquer de nous donner une impression favorable en commençant notre inspection, impression qui augmenta au fur et à mesure que nous avancions. » D’ailleurs, les inspecteurs Hastie et Jeffreys mettent aussi en exergue la façon heureuse dont sont tenus les intérieurs de Mmes Jones et Griffiths, dans le but « de donner par l’exemple aux grands élèves une idée favorable du confort domestique, du mode de vie civilisé ». La satisfaction manifestée par les deux Anglais est aussi ressentie par Radama Ier qui assiste à toute l’inspection. À la fin, le roi se serait écrié : « Pourquoi vous, des étrangers, êtes-vous si heureux des progrès de mes enfants ? Je pensais que moi seul en éprouverait du plaisir ! » Et pour concrétiser sa joie, « le souverain promet à Griffiths de lui faire construire des locaux appropriés. » D’après Jean Valette, ce rapport du 17 juin 1822 des deux inspecteurs présente l’intérêt de faire l’état des deux écoles ouvertes à cette époque à Antananarivo. « Écoles encore modestes, moins de quatre vingt-dix élèves ! Mais écoles dont il convient d’apprécier l’importance eu égard au peu de temps écoulé depuis leur création, mais aussi eu égard aux espoirs qu’elles permettaient. »
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