Mauvais Karma


Selon le célèbre mythe grec, Icare, propulsé dans la folie des grandeurs par les ailes confectionnées par son père Dédale, était attiré, au sens propre et au sens figuré, par les cieux. Mais ces ailes, mélanges de cire et de plumes, s’abimèrent sous l’action du soleil qui fit fondre la cire, leur liant. Une grande distance, spatiale et temporelle, nous sépare des âges mythiques, mais l’homme reste cet étant qui ne peut échapper à cette tendance qui l’envoie défier la nature et sa nature, à sa volonté permanente de se dépasser, un péché auquel les Grecs ont donné le nom d’hubris et qui se commet pourtant à ses dépens : le prix de ce péché, exorbitant, se chiffre en des mois ou des années d’épidémies, en attaques fulgurantes des maladies respiratoires, … Comme Icare, l’homme se brûle les ailes à force de vouloir soumettre la nature à sa mégalomanie destructrice qui s’exprime en surproduction de gaz à effet de serre et en pratiques abusives de feux de végétation dont les produits asphyxient actuellement Antananarivo. Une forte chaleur et un environnement pollué, qui font de l’activité élémentaire de respiration une lourde épreuve car souffler, perverti par la forte présence d’impureté dans l’air, est devenu un supplice qui métamorphose une journée en un avant-goût de l’enfer. L’homme ne fait que payer la note salée, l’énorme addition que la nature, cuisinée à la sauce des plaisirs éphémères humains, aurait pu lui présenter si elle pouvait écrire. Icare a payé de sa vie l’appétit qui l’a poussé vers l’hubris, et l’homme fait emprunter à l’histoire le chemin d’une sixième extinction de masse. Pour l’instant, on vit encore le châtiment de Sisyphe, condamné à faire rouler une pierre jusqu’au sommet d’une montagne, d’où elle finit toujours par retomber. Comme Sisyphe, les différentes COP ne parviennent pas à endiguer le désastre écologique qui, comme la pierre qui n’atteint jamais le sommet, semble être hors de contrôle. Pour sauver le monde, et par extension l’humanité, c’est le karma, qui est incontestablement mauvais, qui devrait être soigné. Selon la philosophie indienne, le karma se définit comme une chaîne de causalités qui engagent le futur. On a sali notre karma dès le premier jour où on a chéri les actions anti-écologiques. Depuis, un effet domino a été enclenché et a abouti au réchauffement climatique et à cet air irrespirable d’Antananarivo. Briser cette chaîne de causalités et stopper la roue infernale de la mort ne peuvent se traduire, en actes, que par un renversement mental qui bannirait ces comportements suicidaires, inconscients, de l’équation. Sinon, la vengeance de Gaïa (la Terre) (cf. La Revanche de Gaïa : Préserver la planète avant qu’elle ne nous détruise, J. Lovelock, 2006) ne sera que plus terrible.
Plus récente Plus ancienne