Obsèques de Dadah Rabel - Adieux émouvants au parolier de génie


Des obsèques tout à son image, d’une grande douceur mais resplendissantes par la jovialité contagieuse. Dadah Rabel nous aura inspiré jusqu’au bout de son ultime voyage. Ce n’est pas uniquement une page de l’histoire de ce groupe légendaire qu’est Mahaleo qui vient définitivement de se tourner, mais quasiment toute une page même de l’histoire de la musique à Madagascar. On n’aura de cesse de le dire, les mots manquent pour décrire la perte de cet illustre auteur, compositeur et chanteur émérite qu’est Andrianabela Rakotobe dit Dadah Rabel. C’est ainsi avec le cœur lourd, les larmes aux yeux et toujours aussi abattue par sa disparition soudaine que toute la communauté culturelle nationale s’est retrouvée pour communier une dernière fois en hommage à Dadah Rabel. Vibrant, transcendant et par-dessus tout représentatif d’un respect intarissable pour l’homme, certes, mais l’artiste intemporel qu’il est avant tout, ainsi se définit cet hommage qui a ému la Ville des Mille avant de rejoindre Mandrisoa Betafo où il a été inhumé, hier. Un chirurgien d’éthique et de valeurs, doublé d’un artiste à la plume dorée, un poète moderne de la société et un romantique dans l’âme, lors de la veillée funèbre qui, étrangement, a égayé le Palais des Sports et de la culture Mahamasina mercredi soir et durant la journée d’hier. Tous ne se sont pas privés de louer les qualités de Dadah Rabel. Pour l’occasion, les sommités de la scène musicale s’y sont retrouvés pour soutenir la famille, mais aussi Dama, Bekoto et Charles, dans cette dure épreuve qu’ils traversent. Une icône de la musique Dans la matinée d’hier, c’est des mains du chef du gouvernement, le Premier ministre Christian Ntsay, que Dadah Rabel a été honoré du titre de Grand officier de l’Ordre national, un accomplissement de plus pour cette icône de la musique malgache. S’en est suivie un grand culte à la cathédrale FJKM Analakely où le temps d’un office, tous se sont surtout plu à se rappeler des bons moments passés aux côtés de l’artiste. Le pasteur Dina Razafimamonjy, lui-même un proche camarade de Dadah, de raconter dans son homélie d’une manière taquine et anecdotique sa relation avec l’éminent artiste. « Il était un homme vraiment surprenant, c’est quelqu’un de valeureux qui a toujours prôné l’importance de l’amour. Comme il me l’a dit un jour, la seule chose qui importe, c’est de partager de l’amour sans rien attendre en retour. Je me rappellerai ainsi toujours de sa grande sagesse », affirme le pasteur tout en imitant la voix et mimant Dadah Rabel. Une messe joviale et conviviale donc, comme pour renforcer cette affinité que le chanteur a su tisser autant avec ses proches, qu’avec ses inconditionnels et le public en général. En début d’après-midi, la dépouille mortelle de Dadah a fait enfin route pour la commune de Mandrisoa Betafo qui, comme son nom l’indique « Mandrisoa », sera le lieu où il reposera en paix. Petit à petit, malgré le fait que le deuil reste pesant, les larmes font place aux sourires, comme si au fur et à mesure que l’on interprète ses compositions, cela nous met du baume au cœur. L’éternel artiste Durant toute une soirée, ils se sont aussi relayés, mercredi, pour témoigner leur respect. Et d’entrée, une chose nous sauta aux yeux, le groupe n’est certes pas éternel, mais ses chansons eux résonneront bel et bien à travers toutes les générations et ce pour toujours. À l’unisson et rempli d’émotions, tout le Palais des Sports et de la culture Mahamasina a vibré aux rythmes des interprétations des Mahaleo et des compositions de Dadah Rabel, pour l’occasion. Du jamais vu ! On peut dire qu’en un instant, la veillée s’est vite muée en une fête populaire, de quoi sans doute enchanter Dadah lui-même, veillant sur ses pairs et ses nombreux fans d’où il est désormais. Coup sur coup, la soirée nous a surpris en nous émouvant, mais aussi en éveillant notre nostalgie. Notamment, lorsque Bekoto s’est vu accompagner des jeunes musiciens classiques de l’école Jejy Music Orchestra en interprétant le titre « Antanambao ». Pareil quand Dama et Bodo ont reformé leur duo mythique bien des années plus tard, pour chanter à nouveau leur douce ballade « Mimoza ». Le point fort de la soirée reste sans doute l’interprétation poignante de « Hanaraka anao » que Dadah Rabel a écrit pour son épouse et que ses frères de cœur, Dama, Bekoto et Charles, ont joué ensemble avec une grande fierté. Les trois compères faisant preuve d’un grand courage pour se retrouver pour la première fois ensemble sur scène depuis la disparition de Fafah. Ils étaient accompagnés de deux jeunes sur scène, le temps de cette chanson, à savoir Tolotra et Ony qui, adoubés par la famille de Dadah Rabel lui-même, ont alors repris avec brio et maîtrise le duo Dadah-Fafah sur scène. Un passage de flambeau ? Le temps d’une allocution face à la presse, Bekoto d’affirmer « Certes, le groupe est orphelin de la grande majorité de ses membres, maintenant, mais autant que possible, on ne cessera pas de perpétuer son histoire. On n’est plus que trois et à nous trois, on continuera comme on pourra à tracer notre chemin, ce chemin qu’on a entamé à sept depuis près de cinquante années ». Pour l’heure, on est sûr d’une chose, l’héritage que le groupe a laissé est d’ores et déjà entre de bonnes mains. C’est-à-dire auprès de ses milliers de fans, ces derniers qui se sont toujours affirmés comme le huitième membre de Mahaleo depuis ses débuts. De plus, à l’instar de Tolotra et Ony, une forme de relève se met aussi déjà en place, même pour si rien au monde elle ne pourra remplacer les illustres Raoul, Nono, Fafah, Dadah, Dama, Bekoto et Charles. Ceci étant, les chansons de Mahaleo vivent aux rythmes de toutes les générations et chacun à sa manière, de nombreux chanteurs lui ont fait honneur. Comme Kiady à qui l’on doit une interprétation envoûtante de « Ry Tompo », mais aussi les petits jeunes, Nate Tex et Rak Roots, accompagnés de Princio, qui ont repris « Andro ririnina ». Comme quoi, Dadah Rabel, lui-même très proche de la jeune génération, a déjà su instaurer dans ses compositions une bénédiction pour l’avenir. « Tsara tso-drano » chantait-il d’ailleurs aux côtés de sa protégée Inah. « Andeha, ny any aloha no banjino, ny fahendrena no vatsy aza adino. Andeha mahità ny mamy, ka ho lavitra tomany », affirma-t-il.
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