Pot aux roses


L’histoire du peuple malgache et son État sont comme une relation de couple assez surprenante dans laquelle la gestion des biens communs n’est pas tout à fait claire. Le couple ayant bâti l’union sur une immense fortune se retrouve pourtant très vite embourbé dans une vie de misère. Durant des années et des années, la femme a essayé de faire survivre sa famille avec le trop peu de moyens que son mari lui donnait. À vrai dire, elle a fait des miracles pour tenir encore debout, pour que les enfants mangent au plus une fois par jour, pour qu’ils puissent aller voir un médecin quand c’est grave, etc. Mais un beau jour, la dame découvre le pot aux roses. Durant des années, le mari a cloué dans la tête de sa femme que c’est la faillite totale, qu’il n’y a plus un Ariary dans les caisses de l’État car il a fallu payer telle ou telle dette due à des ajustements structurels. Et même, il a fait croire que lui, pauvre mari fidèle, doit encore supporter les dettes engendrées par ces dettes. Aussi, plus de voiture ni chauffeur privé pour madame et les enfants, plus de taxi pour les déplacements et d’ici peu de temps, même les cinq cents Ariary pour les taxibe ne seront plus supportables. Madame et ses petits devront s’apprêter à faire les kilomètres à pied. Tout cela jusqu’au jour où madame découvre des centaines et des centaines de clés de voiture de monsieur son mari. Elle se rend compte que finalement, pendant qu’elle combattait chaque soir, bébé dans une main, un autre enfant sur les bras, un sac sur le dos, des voitures de luxe de l’État par centaines roulaient gyrophares à tue-tête pour violer des passages à sens unique. Madame priait le ciel chaque fin du mois afin que le propriétaire ne vienne pas les chasser de cette bicoque à deux pièces à cause des arriérés de loyers qui n’ont pas été soldés. Et un jour, madame découvre également que l’État a à son actif des patrimoines immobiliers impensables : des immeubles, des villas, des domaines par milliers d’hectares, des concessions qu’il met à disposition d’un tel ou d’un tel. Pendant toutes ces années que madame et ses enfants n’avaient pourtant pas un toit, monsieur jouissait de ces maisons d’un luxe à en rendre jaloux les plus riches États du monde. Mais à part les maisons, les terres, les voitures dernier cri, l’État cache aux yeux du peuple d’autres richesses qui sont pourtant la propriété de ce dernier. Pendant que des femmes enceintes luttent pour essayer d’attraper le dernier bus durant ces soirées de pluies diluviennes, des voitures insultantes, autant par leur prix que par leur consommation au kilomètre, filent sans aucun respect des règles de la circulation. Tant de fois, nous avons entendu et entendu que l’État est pauvre. On nous a martelé qu’il ne peut pas payer le salaire des enseignants, qu’il ne peut pas investir dans les hôpitaux qui deviennent des mouroirs, qu’il ne peut construire des logements sociaux, qu’il ne peut garantir un minimum de droits humains à ces milliers d’enfants qui meurent de malnutrition chronique dans toute l’île. Et maintenant qu’une infime partie de l’iceberg pointe son nez par le biais de ces plaques rouges sur les véhicules de l’État, que faisons-nous ?
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