Laconisme - L’épopée des Barea : prétexte à l’éloge de la philosophie


Au moment où ces lignes furent écrites, une atmosphère particulière inondait encore tout le pays. Une ambiance qui imbibait la vie nationale de l’enthousiasme, insufflé par le parcours des Barea qui ont réussi le tour de force de réunir sous un même drapeau tout un peuple marqué par les dissensions politiques. Ce contexte particulier où pour une fois on partage les mêmes héros sert aussi de cadre à cet éloge de la philosophie. Mitigé. Un mot pour résumer les résultats des heures de philosophie qui ont échoué à déposer des traces indélébiles dans l’esprit de ceux qui ont connu la classe de terminale. Cet échec de la matière à affuter, à donner cette faculté critique nécessaire à la sortie de la torpeur, de l’état amorphe de la lucidité. Désolant. Le sentiment qui vous attrape quand vous constatez que pour de frais bacheliers l’allégorie de la caverne, la querelle des universaux, le complexe d’Œdipe, l’inconscient freudien, … sont encore des notions auréolées de mystère ou même carrément sous l’emprise d’une épaisse zone d’ombre. Etant un irréductible partisan d’une méthode particulière qui privilégie les sujets qui captivent, qui arrivent aisément à accaparer l’attention des cibles visées par toute entreprise de transmission de l’amour de la philosophie. Une aubaine a été offerte par l’agréable fièvre, inoculée par nos héros depuis l’Égypte, qui s’est emparée de toute une multitude qui est selon Thomas Hobbes « comme une hydre à cent têtes » (in Le Citoyen), métamorphosée par la vertu du sport en peuple qui est toujours selon Hobbes « un certain corps une certaine personne, à laquelle on peut attribuer une seule volonté et une action propre ; alors qu’il ne se peut rien dire de semblable de la multitude. » Plus que jamais la dimension religieuse du football, surtout palpable dans les pays du tiers-monde comme le nôtre, est éclatante. La religion, si on se réfère à l’étymologie latine qui rattache religio à religare, a pour fonction de relier les croyants entre eux. La religion est « L’opium du peuple ». Cette citation de Karl Marx, l’unique constituant de la culture philosophique d’un grand nombre, se vérifie par l’effet sédatif de l’engouement national. Les plaintes qui émergent quotidiennement sur les réseaux sociaux sont « censurées » par la prolifération des « alefa barea ». L’épopée des Barea est aussi le triomphe du collectif. Un effectif sans star, sans ce qu’Hegel appelle « le grand homme » ou l’instrument que le destin utilise pour l’accomplissement d’une tâche comme Franz Beckenbauer qui été encensé par son compatriote le philosophe Martin Heidegger. Le cas des Barea n’est qu’une émanation d’une époque qui, faute de grands hommes comme Gandhi, Churchill, Lincoln, … ne peut plus compter que sur un héroïsme collectif. Pour revenir au problème qui a ouvert cette chronique, on ne devrait pas tomber dans l’erreur de croire que la République n’a pas besoin de philosophie : notre esprit doit aiguiser sa capacité, développer son sens critique. Mais pour bénéficier de cette sorte d’orgasme intellectuel qu’elle peut procurer, une révolution dans sa transmission aux lycéens est nécessaire : pour pouvoir savourer la beauté de la philosophie, une seule année scolaire est insuffisante. par Fenitra Ratefiarivony
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