L’accord Rainilaiarivony-Kingdon tombe à l’eau


Tous les membres du cabinet du gouvernement Rainilaiarivony déplorent que le Premier ministre ait signé le traité du 17 décembre 1885 (lire précédente Note). Fin janvier 1886, les autorités françaises montent à Antanana­rivo pour rencontrer leurs homologues malgaches afin de discuter de l’application des clauses du traité qui devra alors être signé par la reine Ranavalona III et le Premier ministre Rainilaiarivony. Un mois plus tard, le gouverneur de Toamasina est informé que la guerre est terminée, mais que Toamasina sera occupée par les Français jusqu’au paiement total de l’indemnité. Néanmoins, le port est rouvert, le blocus de la ville levé, et la population peut de nouveau monter sur les navires pour commercer comme auparavant, bref, le commerce extérieur reprend bel et bien. La première chose à laquelle s’attèle le gouvernement, après la fin du conflit, est de liquider au plus vite sa dette envers la France, en trouvant une source financière. Son premier réflexe est de se tourner vers les Anglais. Une fois encore, Rainilaiarivony choisit le général Dighby Willoughby pour chercher une voie de sortie auprès d’une banque britannique. Il devra aussi encourager les industriels et les traitants anglais à reprendre leurs relations commerciales avec Mada­gascar. Enfin, il aura à trouver les moyens de se procurer des armes afin de défendre le royaume et le peuple. Alors que Willoughby est en Europe, il se crée à Londres le Syndicate of Royal Bank (SRB) dont l’objectif est de créer un établissement financier dans l’ile. C’est Abraham Kingdon et Ross qui se chargent de mettre sur pied la structure. Le bâtiment est encore à bâtir, le capital prévu est de 5 millions farantsa (ariary) si les tractations aboutissent. Rainilaiarivony et Kindon s’accordent à ce que le SRB prête à Madagascar 4 millions farantsa avec un intérêt annuel de 7%. Mais la concrétisation de cet accord traine en longueur. Le résident français, Le Myre de Vilers, apprend cette intention du Premier ministre malgache et proteste arguant que cette recherche de financement ailleurs qu’en France, ne concorde pas avec les clauses du traité de paix. Pour lui, seule la France doit se charger des relations, qu’elles soient politiques, commerciales ou financières, de Madagascar avec l’étranger. Il estime que les affaires traitées par Willoughby au nom du gouvernement malgache, ne sont pas « légales». La lenteur de Kingdon se heurte à la dextérité de la France, aussi l’accord anglo-merina tombe-t-il à l’eau. De même, les Français s’arrogent la construction de la ligne télégraphique entre Antananarivo et Toamasina, même si le contrat est déjà passé avec une entreprise anglaise. L’application des clauses du traité de 1885 ne se fait pas avec facilité, notamment en ce qui concerne les délimitations du rôle et de la mission du résident français. D’où la clarification demandée par Rainilaiarivony et à annexer au traité avant toute signature des autorités malgaches. Par résident, on entend une personnalité qui représente le gouvernement de la République française et qui dictera les relations extérieures de Madagascar. Son rôle est de gérer les relations de la Grande ile avec les pays tiers, de bloquer l’octroi de terrains à des ressortissants étrangers autres que français, d’empêcher l’installation de troupes et de bateaux étrangers sur le territoire malgache, sur terre comme sur mer. Comme pour l’accord sur le traité de décembre 1885, c’est encore Willoughby, seul, qui représente les autorités malgaches dans les discussions sur l’application des clauses de l’accord et surtout sur la clarification de certaines clauses exigées par le Premier ministre. Mais dès 1886, un problème se pose. À son arrivée, Le Myre de Vilers, premier résident français, montre clairement qu’il refuse que cette clarification soit annexée au traité de décembre 1885. Le Premier ministre rétorque que la reine et le gouvernement n’accepteront cet accord que sous cette condition. Car « pour les Malgaches, le traité et son annexe sont d’égale importance ». Et le 31 avril 1886, Rainilai­arivony et Le Myre de Vilers se rencontrent pour en discuter « sur l’ordre de monsieur de Freycinet, ministre français des Affaires étrangères ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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