Du bitume à la terre - ASA accompagne les familles en détresse


Pour répondre aux enjeux de la surpopulation et de la pauvreté de la capitale, l'association ASA offre une réinsertion rurale aux sans-abri. Des familles suivent une formation de trois ans en agriculture avant d'obtenir leurs terres, situées à 200 km de la capitale. [caption id="attachment_689" align="aligncenter" width="300"]L’association  ASA gère aussi une garderie pour les 80 petits  des familles en formation. L’association ASA gère aussi une garderie pour les 80 petits
des familles en formation.[/caption] En octobre prochain, dix-huit familles partiront pour leur nouvelle vie dans le Bongolava, la dernière étape de leur réinsertion. Elles se sont formées depuis trois ans au métier de l'agriculture au Centre d'Antanety de l’association ASA, à 17 km d’Antananarivo. La capitale, ils la connaissent bien. Ils ont tenté de l'apprivoiser, ils ont arpenté ses rues et sillonné ses ruisseaux à outrance. Beaucoup d'entre eux habitaient à la campagne avant d'entreprendre leur exode vers la ville, cet El Dorado qui leur présageait une vie meilleure puis les a laissés à la rue.  Aujourd'hui, ils ont choisi de faire le chemin inverse. D'autres ont toujours vécu dans la capitale et y ont subi une grande précarité depuis fort longtemps. Ils ont alors accordé leur confiance à l’association ASA pour leur venir en aide. « Avant de venir à ASA, je vivais à Anosipatrana dans une petite maison clôturée de sacs de ciment pour me protéger du froid. Je travaillais comme docker et ma femme torréfiait des grains de café. Je ramassais aussi les ordures pour les transformer en engrais, mais je ne gagnais presque rien. Venus d’Ambatondrazaka, nous avons vécu deux ans à Antananarivo, à une cinquantaine de kilomètres du centre-ville. Ma famille est en difficulté depuis mon enfance, j'ai perdu ma mère très tôt et c'est mon père qui m'a élevé. J'ai voulu venir à Antananarivo pour rapporter un peu d'argent à ma famille », témoigne Jean-René, nouvel arrivant au centre. Sa femme Félistine et lui vivent la première étape de leur réinsertion. Avec les 21 autres familles, ils réapprennent, pas à pas, à vivre en communauté, loin du tumulte de la ville. ASA leur fournit une habitation, quelques vêtements et de quoi se nourrir. « Les vivres sont distribués mensuellement. C'est aux familles de gérer leurs stocks. C'est un apprentissage parfois compliqué. Certains sont tentés de revendre les produits, d'autres de tout consommer en deux semaines. La gestion des ressources alimentaires fait partie du processus », explique Luciani Jos'oint, le responsable en communication de l'ASA. [caption id="attachment_691" align="aligncenter" width="300"]À l’étape CASA 2, les familles disposent, entre autres, d’un élevage de lapins, avant leur migration  vers les terres du Bongolava. À l’étape CASA 2, les familles disposent, entre autres, d’un élevage de lapins, avant leur migration
vers les terres du Bongolava.[/caption] Jean-René et sa femme participent à des activités quotidiennes, s'occupent de leur petite parcelle de terre, adoptent des réflexes d'hygiène et un rythme de vie saine. Quant à leurs enfants, la grande fréquente l'école du village et la petite la garderie, que l'ASA met à leur disposition. Bientôt, Jean-René passera à la deuxième étape, au CASA 1, où sa formation commencera réellement, puis au CASA 2. Il pourra alors se perfectionner en arboriculture, pratiquer du marcottage aérien sur les litchis et les mandariniers. Il suivra des cours sur l'aménagement du terrain et les variations du sol, il apprendra comment lutter contre l'érosion ou comment irriguer ses rizières. Au CASA 2, les familles bénéficient de petits animaux de basse-cour (lapins, poules, dindons,…). Une paire de zébus et des porcs sont mis à la disposition des familles selon un planning défini. Bientôt elles maîtriseront aussi le lombric-compost, cette méthode qui permet de produire de l'engrais naturel. Dès lors, elles deviendront peu à peu autonomes. [caption id="attachment_690" align="aligncenter" width="300"]Une partie des champs cultivés par les familles  avec un des purificateurs d'eau (en bleu) du centre. Une partie des champs cultivés par les famillesavec un des purificateurs d'eau (en bleu) du centre.[/caption] Sortir de l’assistanat En vingt ans, l'association a beaucoup évolué, selon Lantohery, directeur de Casa 2 : « Auparavant, l'ASA faisait beaucoup d'assistanat. Maintenant, nous voulons que les familles n'attendent pas toujours l'association, qu'elles se prennent en charge elles-mêmes ». Au pré-Casa, les conditions sont parfois rudes, les enfants ont froid, les familles dorment sur des sacs de paille avec une seule couverture pour se réchauffer. « Avant les dotations étaient complètes, tout était donné : vêtements, ustensiles de cuisine, etc. Cela ne responsabilise pas les gens de tout recevoir », remarque Luciani Jos'oint. La qualité de vie s'obtient par le mérite, selon la politique de l’association ASA.  En travaillant la terre, les apprentis paysans pourront vendre leurs récoltes sur le marché et amasser ainsi de petites sommes pour gagner en confort. Siriaka suit la formation depuis deux ans, c'est avec un sourire modeste qu'il raconte son évolution. « Tout ce qu'il y a dans ma maison, c'est moi qui l'ai acheté grâce aux ventes de nos cultures. Ce sont surtout les pommes de terre qui nous rapportent un peu d'argent. On vient de planter récemment 85 kilos de cette tubercule, on pourra en récolter une tonne et demie au mois d'août », affirme-t-il. [caption id="attachment_692" align="aligncenter" width="300"]La cuisine commune avec des foyers améliorés utilisant du charbon économique. La cuisine commune avec des foyers améliorés utilisant du charbon économique.[/caption] Une fois installé dans la région du Bongolava, sur la « zone de migration », il devra subvenir à ses besoins de manière autonome. Il sera doté d’une maison, d'une valeur de 5 000 euros, une paire de zébus, des outils agricoles et trois hectares de terrain. Là-bas, sur sa nouvelle terre promise, 3 000 personnes comme lui vivent désormais sur les 15 000 hectares légués par l'État à l'association. Depuis la création de l'ASA, il y a vingt ans, dix-neuf villages ont été construits à proximité desquels trois centres administratifs, marchés, écoles et centre de santé accueillent les habitants. Fatalement, les dahalo n'épargnent pas la zone de migration. Leurs attaques à répétition ont poussé certaines familles à déserter, réduisant à néant les efforts communs fournis pendant des années. Les huit militaires envoyés pour protéger la commune sont inefficaces, car trop peu nombreux. Mais les risques sont nombreux et la 20è promotion d'Antanety, qui s'apprête bientôt à rejoindre le centre, n'ignore rien du quotidien à la campagne. « Je suis prêt à partir », dit l'un de ses membres. « Au début, on vivait au jour le jour ici, c'était assez difficile. Là-bas on sera complètement indépendant et on pourra vivre de notre terre, mes enfants, mes frères et moi », ajoute-t-elle. Texte : Maéva Commecy (stagiaire) Photos : Ihandry Randriamaro
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