Dra...peau de banane


Comme chaque année, à l'approche de la fête nationale, une grosse sensibilisation est faite par les autorités sur la nécessité de lever le drapeau national dans chaque foyer. Il y eut un vrai engouement en 2002 lors du premier 26 juin de Ravalomanana qui avait exigé, en même temps, qu'on chante tous les couplets de l'hymne national. Les bâtiments bordant les rues, en particulier ceux de l'avenue de l'indépendance  devaient être ravalés et de même couleur. La bonne habitude s'est perdue au fil des années et les dirigeants  de la Transition ont dû mettre le paquet pour inciter les gens à adopter ce geste patriotique. Aujourd'hui plus que jamais, la réticence de la population est très tenace à en juger les réactions sur les réseaux sociaux et sur les ondes. Les vendeurs de drapeau national risquent de faire la plus mauvaise affaire de leur vie. Conscientes de ce comportement, les autorités ont pris les  devants en matraquant l'importance de la fête nationale et des symboles de la République. Des festivités sont prévues un peu partout dans la ville jusqu'au ... 3 juillet pour servir d'illusions et marquer le 56e anniversaire de l'indépendance avec fastes. Contre toute attente, la TVM a annoncé la retransmission en direct de tous les matches de l'Euro 2016 de football. Un cadeau providentiel quand on sait qu'il faut payer une fortune pour les avoir et qu'il faut faire la commande plusieurs mois à l'avance. Pour l'argent, il n'y a aucun mystère étant donné qu'il en a assez sauf pour satisfaire les revendications sociales. À preuve, l’achat ou la location d'un avion Falcon pour les voyages du Président , les feux d'artifice pour toutes les régions, la grande mangeaille à Iavoloha après le défilé militaire.... Justement, ce sont ces dépenses futiles à une période où une hiérarchisation des priorités devrait être établie qui attisent la colère de l'opinion. L'indépendance n'a aucune importance pour la population si elle est réduite à des libations passagères,  à des spectacles gratuits, à trois-quarts d'heure de feux d'artifice, à des couvertures et un carton de produits de première nécessité pour les indigents. Des habitudes qui durent depuis des années et que les dirigeants se plaisent à perpétuer avec cynisme et sans la moindre décence. Si la population ne peut célébrer la fête nationale avec dignité et fierté, si leur indépendance ne dure que quelques jours, un mois au plus , il ne faut pas compter sur elle pour adopter les gestes patriotiques, pour respecter les symboles de la République. D'ailleurs, ce sont des attitudes qui devraient être automatiques sans avoir besoin de rappel ni d'une intense campagne de communication. Certes, on ne fait pas le geste pour le Président ou son entourage, objet de toutes les récriminations, mais cette « désobéissance civile » est peut-être aujourd'hui le seul mode d'expression possible après les restrictions de liberté en vigueur telles l'interdiction de manifester, l'interdiction des meetings. Pour marquer ce mécontentement populaire, cette désapprobation vis-à-vis des actions du gouvernement, des gens ont l'intention de sortir le drapeau mais en berne. D'autres prévoient d'aller en masse à Mahamasina pour conspuer le Président lors du défilé militaire. L'État lui-même offre ainsi des opportunités pour se tirer une balle dans les jambes. Il aurait pu, pour montrer sa détermination de lutter contre la pauvreté et la corruption, comme le disait le Président à la presse internationale, limiter les festivités à des manifestations symboliques, n'inviter qu'un nombre minimum de gens à Iavoloha avec un menu national fait de ravitoto sy henakisoa et de koban-dravina au dessert. Il va sans dire que cela causerait un sacré manque à gagner au traiteur attitré. La volonté, la détermination ne se mesurent pas aux belles phrases , aux grands mots, elle se concrétise par des mesures d'austérité, un sens des priorités . Moralité, une République bananière n'a que ce qu'elle mérite. Un dra...peau de banane. Par Sylvain Ranjalahy
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