Les femmes au pouvoir


Le gouvernement compte dix femmes ministres. La parité est encore loin mais c’est un bon début. L’Ansemblée nationale est présidée pour la première fois par une femme. Confidences de certaines d’entre elles.

Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo “Une femme peut parfaitement trouver sa place en politique”

Vous êtes ministre, porte-parole du gouvernement et cheffe de parti. Comment une femme peut s'illustrer dans la politique, qui est encore considérée comme un monde d'hommes, particulièrement dans la société malgache et face à la culture malgache ? C’est une question de profonde conviction d’abord, on peut s’illustrer dans tout ce qu’on fait quand on a la conviction que ce qu’on fait sert autrui, et pour moi, j’ai toujours voulu faire de la politique parce que j’ai toujours voulu servir mon pays et mes compatriotes. Après, il faut avoir beaucoup de détermination aussi, et surtout une foi inébranlable. Je suis profondément croyante et pratiquante et c’est essentiellement ce qui me motive. Je refuse de croire que la politique est un monde d’hommes, une femme peut parfaitement trouver sa place en politique. Il faut casser cette considération erronée selon laquelle les Malgaches ne sont pas dirigés par une femme, cela n’a rien de culturel, l’histoire nous a montré que même à Madagascar, il y avait de grandes reines qui avaient réalisé de grandes choses, des femmes ministres qui avaient laissé leurs empreintes dans les départements qu’elles avaient dirigés. Et des femmes leaders qui ont vraiment brillé dans leurs domaines, et toutes ont eu des hommes dans leurs équipes. Le leadership d’un dirigeant ne dépend absolument pas du fait qu’il est un homme ou une femme, une femme politique peut parfaitement avoir les qualités d’un homme politique, voire mieux. Quelles sont les difficultés auxquelles les femmes font face dans le monde politique et lorsqu'elles occupent un poste à haute responsabilité politique ? Quelles sont les atouts d'être une femme dans ce domaine ? Le monde politique malagasy est extrêmement misogyne, moi je me fais critiquer, non pour mes réalisations à la tête du ministère, mais pour mon physique essentiellement et je fais surtout l’objet d’attaques personnelles. Notamment sur les réseaux sociaux, je lis souvent ce genre de remarques, « oui, elle est intelligente, elle a fait des études, elle a des réalisations incontestables, mais elle n’est pas belle, elle parle beaucoup, elle a toujours quelque chose à dire! ». Je ne pense pas qu’un homme ministre, chef de parti dans la même situation que moi aurait eu autant de remarques sur son physique ou aurait subi autant d’attaques personnelles. Moi, je vous dis, jugez-moi pour mes réalisations, mon intégrité, ma loyauté et ma fidélité envers le Président, ma manière de diriger mon département, mon parcours politique ou celui de mon parti politique, ma rigueur, ma capacité à faire respecter la discipline et la loi dans mon ministère, bref, ma gouvernance. Mon physique et ma vie personnelle n’ont rien à voir dans mes combats politiques. Dans la politique et d'autres domaines publics à Madagascar, l'opinion publique n'est pas tendre envers les femmes justement. Vous, notamment, faites partie de celles qui sont quotidiennement les cibles de lynchages verbaux, surtout les réseaux sociaux. Comment gérez-vous cette situation et surtout comment préservez-vous votre cocon familial face aux invectives qui sont souvent personnelles ? Je l’ai dit plus haut, le monde politique est malheureusement encore trop misogyne. Mais honnêtement, être la cible régulière des lynchages ne me dérange pas outre-mesure tant qu’ils ne sont pas fondés. Je le répète souvent à ma famille et surtout à mon fils aîné qui lui est déjà grand et vit la situation en même temps que moi, de ne pas s’inquiéter de ces attaques tant qu’elles ne concernent pas ma manière de gérer les affaires du pays dans mon domaine. Je leur dis, le jour où il y aura des attaques contre moi parce que j’aurai détourné des deniers publics ou aurais fait du favoritisme ou d’autres affaires louches dans mon département, là, vous devriez sérieusement vous en faire et surtout en avoir honte. Mais cela ne risque pas d’arriver. J’ai eu la main propre en accédant à ma fonction, et j’en ressortirai tout aussi « clean ». Après, si ce sont des critiques infondées, je ne veux surtout pas avoir de haine contre mes détracteurs, donc je ne prends jamais personnellement les attaques contre moi. Avec ma famille, on se dit juste que c’est le prix à payer pour vouloir servir la patrie, on en rit et on continue d’avancer.

Marie Michelle Sahondrarimalala, ministre de l’éducation nationale. “Je suis le prix des sacrifices de ma mère”

Pouvez-vous parler de vos ambitions en tant que femme avant et après votre nomination à la tête de ce ministère ? Je ne me suis jamais fixée d'ambitions. Le plus important pour moi à un certain moment c’est de mériter les efforts et les sacrifices de ma mère. Il ne faut pas négliger les pouvoirs d’une mère sur l’avenir de son enfant. Pour moi, chaque pas est déjà une victoire. Le secret est le travail, la persévérance, la rectitude, la rigueur et la passion pour ce qu’on fait. Je n’ai jamais imaginé pouvoir être à la tête d’un tel département. Je suis reconnaissante à l’endroit de monsieur le Président pour sa confiance. Je peux dire que je suis une fille du peuple et que j'arrive de loin. Mon objectif c’est d’assurer la mission qui m’a été conférée. Le chantier est vaste avec les différentes réformes initiées sur plusieurs plans qui auront pour finalité de transformer le système éducatif propre à apporter une éducation intégrale de l’être de chaque enfant. Quels sont les apports et les plus qu'une femme peut apporter par rapport à un homme lorsqu'elle est chargée de s'occuper d'une grande responsabilité et notamment d'un département ministériel de l'envergure de celui de l'Éducation nationale ? Une femme donne la vie dans la douleur. Une femme est résiliente, a un sens assez élevé du sacrifice. Elle est multi-tâche et ne se pose pas de limites dans ce qu’elle entreprend. La femme se doit de travailler dur car tout ne lui est pas acquis. Elle travaille avec le cœur. Elle est « tokam-po ». Les femmes sont fidèles dans leur travail. Vous savez qu’une récente étude du PASEC 2019 nous a révélé que les résultats d’apprentissage des élèves sont meilleurs lorsque les classes et les écoles sont tenues par des femmes. Les femmes éducatrices contribuent largement à améliorer le système éducatif à Madagascar. Si vous voulez transformer une famille, soutenez la femme. Si vous voulez développer un pays, éduquez les filles. On prône actuellement l'égalité des droits entre femme et homme, comment trouvez vous la situation dans le pays ? Quelles sont les failles et qu'est-ce qu'on pourrait changer ou améliorer, si besoin ? Nous sommes un pays de tolérance et de liberté. Nous portons encore le poids d’une représentation culturelle, sociétale et mentale de la place de la femme dans notre société. Je pense que c’est une question de perception et de représentation des réalités. Il ne peut exister d’égalité mais d’équité et de justice sociale. Puisque tout est en mouvement, je garde l’espoir que cette pensée collective puisse évoluer dans le temps avec l’éducation. Nous devons éduquer nos enfants, les citoyens à penser autrement. Toute transformation doit être légitime. Il existe des inégalités justes et acceptées. Prenons le temps d’écouter les femmes et les filles pour que nos politiques publiques et nos actions soient en phase avec les réalités. La solution n’est pas que juridique. C’est pour cette raison que je voudrais qu’on intègre dans nos politiques publiques la notion de bonheur. Le développement est une question de paradigme. On peut réduire les inégalités en améliorant la santé, l’éducation, l’alimentation et la sécurité de la population.  

Gabriella Rahantanirina Vavitsara, ministre de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle. “J’ai toujours eu la fibre entrepreneuriale”

Quels sont vos projets et les objectifs à atteindre en tant que femme avant et après votre nomination ? En tant que femme, j'ai toujours eu, sans prétention de ma part, la fibre entrepreneuriale. Celle d’être capable d'être flexible et de s'adapter rapidement au changement sans se laisser paralyser par la peur de l'inconnu. Très engagée humainement à travers plusieurs associations, j'ai vite compris que j'avais un rôle, une contribution et plus encore, un devoir envers mon pays. Les femmes restent largement absentes de la sphère politique à Madagascar. Maintenant que je fais partie de ce gouvernement en tant que ministre de l'Enseignement technique et de la formation professionnelle, je souhaiterai vous apporter ma vision et mes objectifs pour ce ministère tout en m'alignant avec la politique générale de l'État sur la formation, la qualification et l'insertion professionnelle des jeunes, des femmes, ou encore des personnes en situation de handicap. “Former, qualifier, insérer”. Pour cela, il est impératif de respecter et d'appliquer le partenariat public privé, il n'y a pas de secret. La femme autant que l'homme peut et doit apporter sa part de redevabilité envers son pays. Je ne me définis pas en tant que femme à la tête d'un ministère, je me définis en tant que citoyenne au service de mon pays et de mes prochains Est-ce qu'il est possible de garder l'équilibre entre vie familiale et vie professionnelle lorsqu'on est une femme à la tête d'un ministère ? L'acceptation à ce poste a été d'un commun accord avec ma famille, j'ai toujours été soutenue. On savait dès le départ qu'il y aurait des contraintes. Nous étions conscients des enjeux de la conciliation vie familiale et vie professionnelle. L'une des meilleures façons d'y parvenir est d'apprendre à organiser votre temps afin que votre vie professionnelle n'empiète pas toujours sur votre vie privée. C'est toujours un pur bonheur et un plaisir pour moi de franchir les murs du ministère. On prône actuellement l'égalité des droits entre femme et homme, comment trouvez-vous le respect des droits des femmes ? Qu'est-ce -ce qu'on pourrait changer ou améliorer, si besoin ? N'oublions pas les 5 principaux droits de la femme que sont, le droit de vivre libre de toute violence et discrimination, le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, le droit à l'éducation, le droit à la propriété, le droit de voter, le droit à un salaire égal. Mais à Madagascar comme partout dans le monde, de nombreuses femmes et filles sont toujours victimes de discrimination sur la base du sexe et du genre. Le combat des femmes a permis des avancées mais il reste encore beaucoup à faire. C'est dans ce sens, que sous le leadership du Président, nous nous tournons encore plus vers les femmes dans nos actions : empowerment pour une émancipation de la femme, acteur du développement. Il faut favoriser la prise en compte des questions d'égalité hommes-femmes dans la sphère économique et politique.
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