Andriba ne fut pas Camerone encore moins Adoua


La victoire des Éthiopiens sur les Italiens, à la bataille d’Adoua (1er mars 1896), fut de peu de retentissement à Madagascar. Cette victoire abyssine valut pourtant à l’Éthiopie de demeurer un État souverain : son Négus Ras Tafari Makonnen sera couronné empereur Haïlé Selassié, le 2 novembre 1930, en présence de représentants des grandes puissances de l’époque : Grande-Bretagne, France, États-Unis. Le statut de membre de la Société des Nations ne protégera cependant pas l’Éthiopie d’une autre agression de l’Italie, en octobre 1935. «Ny Gazety Malagasy», 13ème année, Nouvelle Série, n°1, du vendredi 20 mars 1896 rendait brièvement compte d’Adoua à la rubrique «Nouvelles de l’étranger» : «Défaite des Italiens : l’armée du roi Ménélik a repoussé la dernière attaque combinée des Italiens. Ceux-ci ont battu en retraite après une lutte désespérée. L’armée italienne a perdu de trois à cinq mille hommes. Un général est blessé ; deux autres manquent». Juste au-dessus, dans la même «Partie non officielle», on pouvait lire «Rainilaiarivony, ex-premier ministre de Madagascar est arrivé le 9 mars à Marseille. Il a dû être dirigé immédiatement sur l’Algérie». À la même époque, le Président français rencontrait à Nice l’Empereur d’Autriche et le Tsarévitch de Russie. Vae victis... Malgré Farafaty-Manjakandrianombana, sur la côte Est, les troupes malgaches du front occidental ne surent pas gagner l’estime militaire de l’ennemi. Ici, pas de Camerone où le vainqueur (en l’occurrence l’armée mexicaine) rendrait les honneurs militaires à des vaincus héroïques (les soldats de la Légion Étrangère). Le 11 octobre 1904, l’escadre russe partit de la Baltique. En route vers son funeste destin dans le Pacifique, l’escadre transite à Nosy-Be, possession de la France alliée de la Russie. Une décennie après la conquête, l’administration coloniale française craignait encore la contamination subversive d’espions japonais supposés infiltrés dans l’île. Madagascar n’était déjà plus tout à fait coupé du reste du monde et Gallieni accusait les Merina de sympathie de race pour les «Jaunes» et de suivre attentivement les péripéties de la guerre russo-japonaise commencée en février 1904. Voyron, Metzinger et Duchesne, les collègues généraux de Gallieni, avaient dû pourtant l’informer que le «miaramila» n’était pas un samouraï. Du 14 janvier au 30 septembre 1895, de Majunga à Antananarivo, en passant par Maevatanana (8 juin) et Andriba (21 août), le corps expéditionnaire français n’avait eu à combattre que le général «Tazo» et ses milliers de moustiques. Majunga à peine défendu. Aucune perte à déplorer pour la prise de Maevatanàna-Suberbieville. Aucun combat à Andriba malgré la supercherie du «tsy misy mafy toy ny tao Andriba» (cf. Manassé Esoavelomandroso, «Le mythe d’Andriba», Omaly sy Anio, n°1-2, 1975, pp.43-73). Gallieni lui-même a tenu le compte des pertes pendant les opérations de la pacification de l'Imerina, d'octobre 1896 à juin 1897. Tués à l'ennemi, blessés mortellement, noyés : 2 officiers et 60 hommes de troupe, dont 24 Européens et 36 Sénégalais ou Malgaches ; Blessés : 5 officiers et 191 hommes de troupe, dont 79 Européens et 112 Sénégalais ou Malgaches ; Morts de maladie : 7 officiers et 307 hommes de troupe, dont 126 Européens et 181 Sénégalais ou Malgaches («Neuf ans à Madagascar», Hachette, 1908, p.46, note 1)... Les Français eurent à déplorer plus de pertes lors de la pacification que lors de la «guerre». Le 2 juin 1897, à Ankazobe, Rabezavana, se rend au chef d’escadron Lyautey. Le chef rebelle, à cheval, se présente à la tête de 500 hommes, lesquels jettent en tas leurs fusils à tir rapide avant de se prosterner en signe de soumission. De l’aveu même de Lyautey : «(ces fusils) nous eussent donné bien du fil à retordre s’ils avaient encore eu de quoi manger».
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