Justice naturelle


Tous les ans, Madagascar a droit à un avant-goût de l’enfer: une période qui se calque sur les paroles apocalyptiques du Christ sur les signes annonciateurs de l’imminence du jugement dernier: l’hostilité de la nature qui refuse de nous prodiguer ses bienfaits, la famine qui sévit dans les localités les plus châtiées,... cette année, les bourreaux infernaux ont, semble-t-il, redoublé de sadisme: les morsures brûlan­tes du soleil, couplées à une raréfaction des précipitations, ont eu raison de l’eau et, par ricochet, de l’électricité. Une atmos­phère qui devient de plus en plus asphy­xiante à mesure que la destruction de la nature, par l’homme, s’intensifie. L’homme a, lui-même, creusé le tunnel qui mène aux profondeurs infernales. Il a, lui-même, tracé le sentier de la perdition, devenu l’unique chemin à sens unique parsemé de feux de végétation et autres maltraitances de la nature, c’est notre itinéraire quotidien. Et si maintenant, l’homme gémit à cause des monstres (forte chaleur, maladies respiratoires, coupures d’eau qui se répercutent sur l’électricité, ...) qui sèment la terreur sur cette route de l’horreur, c’est parce qu’il a lui-même créé ces créatures de la mort qui ont précipité sa chute. Des monstres qui sont les instruments de la justice de la nature qui a condamné l’homme. Selon Le philosophe Martin Heidegger, la nature, que l’homme a soumise à la technique, est devenue un « fonds d’exploi­tation », une réserve d’énergie à extraire. Mais ce que l’homme a oublié, c’est que lui-même fait partie de cette nature, il ne peut pas la transcender: tuer la nature c’est, par ricochet, se tuer. « L’homme ne fait-il pas partie du fonds, et d’une manière plus originelle que la nature? La façon dont on parle couramment de matériel humain, de l’effectif des malades d’une clinique, le laisserait penser» écrit Heidegger. Le grand corps, qui est la nature, est malade. Aujourd’hui, cette maladie s’étend et a atteint l’organe appelé homme qui subit les conséquences de ses actes. L’homme a été la main de l’automutilation. L’homme peut-il prétendre au titre de maître de la nature ? Comment le pourrait-il quand lui-même fait partie de cette nature qu’il veut dominer ? Il n’a été que le traître qui a dévalorisé la nature qui est victime de ce que Max Weber appelle le « désen­chantement du monde » (la nature qui perd son caractère divin, devenant un monde qu’on peut exploiter pour nos intérêts mercantiles), première étape d’une passation de pouvoir qui aboutit à la remise du trône à la technique qui, maintenant, domine la nature (et l’homme). Hans Jonas, dans son livre-phare Le Principe responsabilité (1979), voyant la menace que la technique, « devenue sauvage », représente pour l’humanité, a formulé une variante de l’impératif catégorique: « Agis de telle façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentique­ment humaine sur Terre. » L’humanité doit être préservée: une affirmation qui obtient une adhésion (presque) unanime qui, cependant, n’est pas encore reflétée par les actes humains.
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