Premier amerrissage d’un hydravion à Tana en 1926


7 juillet 1911. L’administrateur Raoult revient de France où il passe son brevet de pilote. À la stupéfaction des Malgaches et à la joie des Européens, il fait voler dans le ciel d’Antananarivo, l’un des deux «Blériot» de 50 CV qu’il a ramenés à Madagascar, à la demande du gouverneur général Picquié. «Il eut fallu être bon prophète pour prédire l’essor qu’allaient prendre quelques dizaines d’années plus tard, les ailes malgaches» (Aéronautique civile, 1950). Cette première tentative semble, en effet, sans lendemain. L’éloignement de la France, le manque de pièces de rechange et surtout de crédits arrêtent les essais. Puis, il y a la guerre. Néanmoins, cette lointaine initiative répond à un besoin. Dans la Grande ile privée de voies naturelles de communication et où certains cantons et certains districts de brousse restent, durant des mois, absolument isolés, l’avion n’est pas un luxe, mais une nécessité. «D’un coup d’aile, l’avion, survolant fleuves et rizières infranchissables pendant une partie de l’année, étendues désertiques, n’est pas un luxe, mais une nécessité.» Le trajet d’Antananarivo à Morondava sur la côte Ouest qui demande autrefois six jours en saison sèche et vingt jours en saison des pluies, s’accomplit désormais en deux heures trente de vol. D’Antananarivo à Antsiranana, le voyage se fait autrefois par Mahajanga et de là, par mer en plusieurs jours. En 1950, un «Junker» 52, parti à 5h15 de la capitale, arrive à Antsiranana à 11h30, après avoir desservi quatre escales intermédiaires. Sur la même ligne un DC3 effectue le trajet en cinq heures, en passant par Mahajanga, Ambanja et Nosy Be. «Il a fallu près de quarante ans pour arriver à organiser le réseau intérieur actuel (1949) de Mada­gascar, dont l’intérêt et l’importance n’échappent à personne. Mieux encore, il apparait aujourd’hui à tous que, pour un trajet relativement long, l’avion est à Madagascar non seulement le moyen de locomotion le plus rapide, le plus confortable et le plus sûr, mais encore le plus économique. » Entre la fin de la Première guerre mondiale et 1926, rien ne se passera ou presque. Après une mission d’étude dans l’ile, le lieutenant de vaisseau Boulailloir propose la création d’une ligne entre la Grande ile et l’Afrique du Sud. Mais cela parait trop hasardeux à l’époque et surtout cela coûte trop cher. Il faut donc attendre. « Une ou deux tentatives malheureuses dues à l’initiative privée, sans moyen ni encouragement, eurent lieu un peu plus tard. Et c’est tout. Il était encore trop tôt. » Ce n’est qu’en 1926 qu’on vit amerrir à Mahajanga et au petit lac de Mandroseza, l’hydravion du lieutenant de vaisseau Bernard. Il a pour but, à la demande du ministre de la Marine, Georges Leyggues, d’étudier pour la première fois les possibilités d’un itinéraire «qui relie la Métropole à notre grande possession australe, en utilisant les voies fluviales et les plans d’eau qui jalonnent l’Afrique ». « Deux hydravions quittent l’Étang de Berre, le 12 octobre 1926. Le 1er novembre, l’un d’eux tomba en panne au Nigeria anglais et Bernard poursuivit seul sa route, avec le maitre mécanicien Bougault, à bord de son Lioré-Olivier, Gnome-Rhône Jupiter, de 420 chevaux.» Le 20 novembre, ils sont au Mozam­bique et le 21, à Mahajanga où l’appareil est accueilli avec enthousiasme. En escale dans cette ville, dix neuf jours sont consacrés à la révision de la coque et du moteur avant d’affronter la dernière et la plus rude étape. Car le relief de Madagascar constitue une difficulté majeure pour les appareils de l’époque qui ne volent pas à haute altitude. De surcroit, aucune facilité d’amerrissage n’est offerte en cours de route. «Le 4 décembre vers midi, après un arrêt fortuit à Maevatanàna dû à une erreur d’interprétation de la carte, l’hydravion survolait Tanana­rive où la population réserva aux héros de la première liaison aérienne avec la France, un accueil enthousiaste. » Au retour, l’exigüité de ce lac rend difficile le décollage. Il faut alors alléger au maximum l’appareil pour rejoindre le lac Itasy, à 100 km à l’Ouest de la capitale où devra se faire le départ définitif. «Néanmoins, le pilote ne réussit son décollage qu’à la troisième tentative. La première fois, un vol de canards sauvages, effrayés par le bruit que faisait ce concurrent gigantesque, faillirent, dans leur épouvante, se précipiter sur l’hélice. » Le retour vers la France se fait par Mahajanga, le Mozambique des villes de l’Ouganda, le Soudan égyptien. L’hydravion remonte le Nil, atteint Le Caire, Bizerte, Berre et parvient à Paris, le 14 janvier 1927.
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