Les « alika » et les « omby » falsifiés


Si l’on excepte l’affaire des « fausses pièces officielles », explique Edmond Heiby, chef du Laboratoire de la police d’Antananarivo, « l’histoire de la fausse monnaie à Madagascar se réduit, jusqu’à la première République, à celle de quelques très rares artisans isolés, utilisant des procédés rudimentaires de moulage, ou faisant appel, pour les billets de banque, à leur talent de dessinateur, et dont la production a été de ce fait limité ». La fabrication artisanale de fausses pièces de monnaie et, plus tard, de faux billets de banque, n’est constatée dans la Grande ile qu’après la conquête et pendant l’occupation française. Les deux premiers faussaires connus vivent à l’époque à Ambatofotsy et s’adonnent à leur activité pendant les années 1915, 1916 et 1917. Ils sont respectivement condamnés à dix et sept ans de travaux forcés en 1918, et leur matériel saisi (lire précédente Note). Edmond Heiby évoque aussi le cas du Vola alika en 1916 et du Vola omby en 1917. Il s’agit de timbres-poste de type filanjana, collés sur un morceau de carton portant, au verso, la valeur en français et en malgache, appuyée de la silhouette d’un chien, puis d’un bœuf. « Ce genre de monnaie est imaginé pour pallier momentanément le manque de pièces divisionnaires dû à la guerre. » Les falsifications sont faciles, souligne le chef du Laboratoire de la police, et les faussaires s’en donnent à cœur joie. « Certains utilisent des timbres oblitérés, d’autres maquillent les valeurs ou les teintes, et imitent les transcriptions du verso en les sculptant dans une matière molle, en l’occurrence une citrouille. » Des faux alika sont en circulation en mars 1918, à Andriba dans la province de Maevatanàna. « Ce sont des timbres-poste neufs, surchargés de 1 franc après frottage du C, puis salis et graissés de façon à brunir le violet du cadre. » Dix mille faux omby auraient été aussi fabriqués à Antananarivo, suivant les dires de deux faussaires arrêtés à Nosy Be. Tous ces faux sont retrouvés un peu partout dans Madagascar. Cependant, le dépistage est rendu très difficile « en raison de l’usure rapide de ce genre de monnaie ». Selon Edmond Heiby, un ordre émanant du chef du district d’Arivonimamo et blâmant ces « procédés coupables », ne manque pas d’intérêt. D’après le chef du district, c’est le gouverneur principal de sa circonscription, chargé de la vérification des recettes, qui lui signale que, parmi les vignettes Vola omby versées par les faritany de l’intérieur, nombre de celles-ci révèlent « l’accomplissement d’altérations frauduleuses ». « Les figurines de 25 centimes sont transformées en 2 francs grâce à un grattage savant et il est donné une égale valeur à des timbres-poste de 2 centimes, au moyen des mêmes procédés coupables. » Il martèle que la tolérance de ces subterfuges criminels aurait comme conséquence de déprécier progressivement la monnaie divisionnaire en carton, de circulation aisée et qui facilite les transactions. « Les gouverneurs madinika et mpiadidy- ces derniers étant préposés plus particulièrement à la police des marchés- devront rappeler énergiquement aux populations que l’altération volontaire des vignettes-monnaies est punie à l’égal des contrefaçons des billets de banque, c’est-à-dire des travaux forcés à perpétuité. » Le 27 novembre 1920, le premier faux billet apparaît à Ambatolampy. C’est un billet de 100 francs obtenu dans des conditions assez curieuses. À l’époque, l’administration fait placarder des reproductions grandeur nature, recto-verso, de billets de banque français mis en circulation dans l’ile afin de familiariser le public. « Un astucieux s’était avisé de découper les reproductions, de les coller dos à dos et d’en faire des faux en les coloriant. » Le 19 février 1927, un faux billet dessiné à la main et à la plume est découvert à Antananarivo. Il est suivi, de 1929 à 1938, de quelques billets de 10 francs de même facture. En 1930, de fausses pièces de type Chambre de commerce sont mises en circulation. Et de 1954 à août 1959, se produit la fameuse émission de billets de 5000, 1000, 500 et même de 100 francs, entièrement dessinés à la main et à la plume avec de l’encre de Chine, « œuvre remarquable d’un véritable artiste et dont le talent méritait une meilleure cause ». Le faussaire est découvert en août 1959 par la police judiciaire d’Antananarivo et condamné, le 12 mai 1962, à sept ans de travaux forcés et 40 000 francs d’amende.
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