Rasoherimanjaka ignorée par l’auteur de la Brochure américaine


Quand le roi antankarana Tsimiharo etla reine sakalava Tsiomeko signent avec le commandant Passot des traités qui cèdent une partie de leurs territoires à la France, la Brochure américaine sur Madagascar, publiée en1883, souligne que le gouvernement britannique reconnait la validité de ces traités (lire Note du vendredi 1er octobre dernier). Car, précise l’auteur anonyme de l’écrit, loin de protester contre ces traités, le gouvernement britannique demande à celui de Paris d’être admis à se joindre à une expédition française envoyée pour bombarder Toamasina, « en guise de représailles des meurtres de colons français et anglais assassinés par les Hova en 1845 ». Le gouvernement de Louis-Philippe accède volontiers à cette requête et « les pavillons du Conway et de la Zelée flottaient amicalement côte à côte, pendant que leurs canons bombardent les fortifications hova », conclut-il. Là encore, l’archiviste-paléographe Jean Valette apporte de nouveau, en octobre 1962,d’autres rectifications. Aucun meurtre de colons français ou anglais n’est connu en 1845. Par contre, le 13 mai de la même année, Ranavalona I re ordonne aux traitants de Toamasina de se soumettre à la loi malgache, c’est-à-dire « de pouvoir être réduits en esclavage et astreints à la corvée ». En outre, précise-t-il, l’expédition de 1845 est menée de « façon fortuite » par les Anglais et les Français sans que, semble-t-il, le commandant Romain Des fossés et le colonel Kelly reçoivent des ordres de leurs gouvernements. La Brochure saute ensuite quelques années pour arriver au règne de Radama II qui succède à sa mère quand elle tourne le dos, le 18 aout 1861. L’auteur anonyme se réjouit que Madagascar soit de nouveau rouvert au commerce et à l’influence chrétienne. L’idolâtrie a presque entièrement disparu des provinces centrales, l’enseignement et la civilisation commencent à faire des progrès, souligne-t-il. Il se félicite aussi que le roi a écrasé l’insurrection fomentée par Ramboasalama « qui était appuyé par le parti oligarchique des Hova ». Selon Jean Valette, ce dernier qui est le frère de la princesse Ramoma, future Ranavalona II, est le neveu de Ranavalona Ire . Il commence à intriguer contre le futur roi dès la mort du Premier ministre Rainiharo en 1854, et « contrairement à ce qu’écrit l’auteur, il se heurta aux fils de ce dernier », Rainivoninahitriniony et Rainilaiarivony. D’après l’auteur de la Brochure américaine, aucun trouble interne ne se produit depuis lors, dans le royaume merina. « C’est attacher peu d’importance au meurtre de Radama II » , commente l’archiviste-paléographe. La Brochure passe également sous silence le règne de la princesse Rabodo, première épouse et successeure de Radama II sous le nom de Rasoherimanjaka. La reine Ranavalona II, signale l’auteur de la Brochure, règne « tranquillement » après avoir prononcé une profession de foi chrétienne publique lors de son avènement en 1868. Devenue protestante avec son époux et Premier ministre, Rainilaiarivony, elle fait du protestantisme la religion d’État. L’auteur anonyme américain explique alors la question de Madagascar en 1883, à laquelle le gouvernement américain est mêlé pour deux raisons « par la faute des Anglais ». D’abord, la signature par le consul d’un traité de commerce relatif à des débarquements d’armes, ensuite à cause du « meurtre récent de deux citoyens américains ». Jean Valette signale qu’à sa connaissance, il n’y a qu’un seul Américain tué. Il s’agit d’un prospecteur appelé Emerson, assassiné près de la baie de Saint-Augustin, le 10 septembre 1882. Car son compagnon Hulett réussit à s’échapper. L’autre homme tué est le Français ou Mauricien Théodore Parent, établi dans le Sud et qui a servi de guide aux Américains. Pour étayer son écrit, l’auteur de la Brochure américaine reprend un article de la Contemporary Review, qu’il qualifie de principal avocat de la cause anglo-hova : « Nous- les Anglais- nous sommes engagés, dans une grande mesure, à donner quelque appui au gouvernement hova par les paroles prononcées par notre envoyé spécial près de la reine Ranavalona, l’année dernière. Le vice-amiral Gore Jones donna à plusieurs reprises confirmation de l’accord mentionné au sujet de l’indépendance de l’ile et encouragea le gouvernement hova à consolider leur autorité sur la côte Ouest. En fait, ce langage incita les Hova à entreprendre sur cette côte une action qui servit de prétexte à l’actuelle intervention française. » L’auteur anonyme fonce alors sur ce secret dévoilé puisque, selon lui, la Contemporary Review de Londres est en vérité « l’organe de ces gens mercantiles et religieux qui ont créé le Comité de Madagascar et ont récemment dicté leur attitude au gouvernement anglais vis-à-vis des affaires malgaches ».
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