Le déclin de l’empire barcelonnais


Lionel Messi reste au Barça. Une formule simple en guise de conclusion. Une épilogue indigne et décevante pour un feuilleton dont l’effet des cliffhangers (le suspens) a ridiculisé l’audimat des telenovelas. Ce qui aurait dû être le transfert phare de ce mercato, le casse du siècle, est resté à l’état de buzz qui a raté sa métamorphose en éléphant. Lionel Messi, c’est tout d’abord toute la beauté du football à l’état pur: sans artifice et sans les innombrables heures de musculation qui permettent à Cristiano Ronaldo de suivre le rythme imposé par le talent brut de Messi. Messi n’est pas une mécanique sans âme, bien que redoutable chasseur de buts comme Ronaldo: le voir jouer nous donne une autre idée de la quintessence du foot. Alors quand l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, pourtant réputé pour sa discrétion et sa réserve, fait ainsi transparaitre son mal-être, les véritables amoureux du football ont le droit de s’en prendre aux véritables sources du mal. Bien sûr le président Bartomeu, bouc-émissaire de beaucoup de supporters du FC Barcelone, est la cible privilégiée. Mais le déclin actuel, palpable depuis des années, du FC Barcelone, à l’origine de cette envie de départ, est surtout la conséquence d’une mutation qui a corrompu l’ADN qui a permis, à une autre époque, au club d’asseoir sa suprématie. Le maillot blaugrana, dit-on, transfigure Lionel Messi qui est, sous ces couleurs, le meilleur joueur du monde qu’on ne reconnait pas quand il porte la tunique de l’Albiceleste, la sélection argentine où pourtant, à en croire les statistiques, il n’est pas mauvais (meilleur buteur de l’histoire de l’Argentine avec 70 buts). C’est qu’au FC Barcelone, il était bien placé dans un système de jeu monstrueuxque le temps a érodé. Une structure importée de l’Ajax Amsterdam par l’entraineur néerlandais Rinus Michels et son joueur-fétiche Johan Cruyff. Une manière de jouer qui mise sur les passes courtes et la possession de balle et qui sollicite des joueurs qui sont, avant tout, d’excellents passeurs dotés d’une exceptionnelle vision du jeu et d’une versatilité (pouvoir jouer à plusieurs postes) hors du commun. Bref résumé de l’ADN du club dont les gènes sont transmis aux jeunes formés à La Masia, le centre de formation, et qui y reçoivent le meilleur formatage possible pour intégrer cette structure. Pep Guardiola, l’entraineur dont le règne au Barça coïncidait avec l’éclosion de Messi, a eu la chance de tomber sur une génération doréede sortants de La Masia (Victor Valdés, Gerard Piqué, Sergio Busquets, Xavi Hernandez, Andrés Iniesta, Francesc Fàbregas, Lionel Messi, …) qui n’ont pas seulement fait du Barça la meilleure équipe de l’histoire, mais qui ont aussi porté l’Espagne une fois sur le toit du monde (2010) et deux fois sur celui de l’Europe (2008 et 2012). Mais la décadence menace ce système démoli par l’usure inévitable apportée par la succession imparable des ans qui a poussé à l’exilXavi et Iniestaqui formaient le cœur du jeu, ou qui rouille Busquets et Piqué. Un vieillissement non compensé: La Masia, qui ne fournit plus l’essentiel des joueurs qui forment l’équipe-type, souffre d’une crise de production. On compte alors surtout sur des joueurs achetés qui n’ont pas la fibre barça et le jeu pratiqué trahit, beaucoup trop souvent, la sacro-sainte maîtrise de la possession. Si Lionel Messi était phénoménal à l’époque de l’âge d’or du Barça, c’était avant tout dû à la stabilité de cette structure. Et comme peut le montrer le structuralisme, la méthode d’analyse des années 1960 qui dit que l’important n’est pas l’individu mais sa position au sein de la structure comme aux échecs où c’est la place d’une pièce sur l’échiquier qui peut faire sa force ou sa faiblesse, c’est la place de Messi au sein de cette structure qui a fait sa force. Quand la structure est en crise, Messi l’est aussi. Reformer cette structure et retrouver l’ADN perdu. Engager Ronald Koeman, éminent membre de la « Dream Team » de Cruyff qui a donné sa première C1 au Barça en 1992, comme entraineur principal est peut-être un bon premier pas.
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