Gallieni définit la politique coloniale à Madagascar


«Les idées de Gallieni sur l’avenir de Madagascar varièrent. Son optimisme de nouveau venu lui fit dire en 1898 :Installons-nous sérieusement. Il devait se tempérer pendant les dernières années de son séjour. Une certaine amertume- car il en éprouva- lui vint aussi bien de son opinion sur les Malgaches que des colons et des missions désireuses, disait-il de le voir disparaitre. D’un côté, on lui reprochait de ne pas les favoriser pour faire des gains rapides ; de l’autre, de faire peser lourdement les charges de la colonie sur le peuple… La postérité jugea diversement son œuvre » (Edouard Ralaimihoatra, Histoire de Madagascar, 1966). À la fin du gouvernement militaire colonial, juste après la conquête, le bilan du général Joseph Gallieni est plus que mitigé. Comme point positif pour lui, des transformations considérables se produisent dans la Grande ile alors que sa conquête se termine à peine. D’abord, l’unification du territoire et la centralisation administrative, ensuite la mise en route de l’œuvre médicale et scolaire, la réalisation d’un premier réseau de communications déjà important (routes, télégraphie, voie ferrée, équipement portuaire, etc.). « À ce point de vue, l’œuvre de Gallieni est impressionnante. Aucun de ses successeurs ne parviendra à l’égaler. » Mais comme point négatif, l’économie coloniale profite surtout aux colons. L’abolition de l’esclavage est décrétée le 6 aout 1896, le même jour que l’annexion. Inspirée des principes de 1789, cette révolution sociale n’est pas suivie de décisions qui organisent un régime politique égalitaire. « En réalité, l’installation du système des prestations et de l’indigénat mit en place, peu de temps après, le nouvel édifice social fondé sur l’inégalité des hommes », expliquent certains groupes conservateurs et nationalistes de l’époque. Quoiqu’il en soit, la période de neuf ans pendant lesquels Gallieni dirige la Grande ile, revêt une importance considérable. Au cours de ce premier proconsulat, les grandes lignes de la politique coloniale de la France sont définies, les problèmes essentiels posés. « Les solutions choisies restent discutables, mais l’orientation par le premier gouverneur général de l’ile est souvent respectée par ses successeurs. » Et selon certaines descriptions de Gallieni, « homme de la colonisation, il est bien de son époque, une époque où, en France comme en Angleterre, les hommes politiques anticoloniaux furent rares. Il n’hésite pas à briser les structures traditionnelles de la société malgache pour bâtir un nouvel édifice. Encensé par les uns, sévèrement critiqué par les autres, il laisse au nouveau gouverneur un territoire profondément marquée par son action ». Durant ce gouvernorat du général Gallieni, aussi bien sur le plan du commerce intérieur qu’extérieur, Madagascar sacrifie tout selon la doctrine du « Pacte colonial », à l’avantage de la France. Les produits étrangers ne concurrencent plus les produits métropolitains sur le marché local. « Madagascar achète chaque année à la France, 25 millions de marchandises, fournit à son industrie pour 15 millions de produits, entretient 10 000 de ses enfants, lui prépare pour l’avenir, des débouchés beaucoup plus importants qu’aujourd’hui », écrit Gallieni dans son livre-bilan intitulé Neuf ans à Madagascar. Avec le système métrique, la monnaie et la législation commerciale francisent le commerce intérieur. Les grandes compagnies et les banques françaises dominent le monde des affaires. En 1905, l’ile devient un « marché français ». Et pendant un demi-siècle, les successeurs conserveront cette option fondamentale». Sur le plan administratif, très conscient des réalités, « capable de souplesse lorsqu’il s’était imposé », le Général sait utiliser ses officiers et sous-officiers pour préparer la mise en place de la nouvelle organisation. Désireux de tout connaitre, bien informé par les rapports de ses subordonnés, « il sait tirer une leçon des faits et modifier en conséquence ses instructions et ses conseils ». « Il choisit finalement, pour de nombreux cadres subalternes, l’administration indirecte parce qu’elle est à la fois efficace et moins couteuse. » L’Imerina devient alors par la force des choses, une pépinière de fonctionnaires. Cette option, comme la précédente, sera conservée et le nombre des fonctionnaires malgaches utilisés par l’administration française ira toujours croissant. Les militaires français installés dans les circonscriptions administratives seront peu à peu remplacés par des civils. « La relève se poursuit jusqu’à la première guerre mondiale attestant le réalisme de l’organisateur. » Pourtant les problèmes nés des rapports entre les colonisés et les colons vont dominer cette période. Alors que la mise en valeur de l’ilesuppose son équipement indispensable au développement de son économie, c’est pour favoriser les colons et les compagnies que les premières routes sont ouvertes, les premiers rails posés, les ports principaux aménagés, le crédit organisé.
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