Énergie du désespoir


La Jirama survivra-t-elle à ses dettes? L’euphorie des abonnés de la Jirama n’aura été que de courte durée. On a cru qu’avec la mise en marche des groupes de Symbion Power, Aksaf Power, Jovena, Greeen Power... le délestage ferait partie de l’histoire, un mauvais souvenir pour les abonnés du réseau interconnecté d’Antananarivo. Il n’en fut rien. Le délestage revient et frappe de plein fouet comme une tarte en plein visage les habitants de la capitale qui pestent contre la Jirama. Le ministre de l’Énergie a été obligé d’apporter des explications. La Jirama doit 850 milliards d’ariary aux compagnies pétrolières fournisseurs de gazole et de fuel pour faire marcher les groupes. Une somme colossale que les subventions octroyées par l’État n’arriveront jamais à éponger. D’ailleurs sur le montant total annoncé par l’État pour apurer le passif de la Jirama, seuls 100 millions de dollars ont été décaissés jusqu’ici pour apurer les arriérés des pétroliers. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Le passif de la Jirama équivaut au coût de plusieurs barrages hydroélectriques de la taille d’Andekaleka, seule unité propriété de la Jirama dont la capacité est dépassée par la demande. Justement, faute d’avoir anticipé ses besoins futurs par rapport au développement industriel du pays et par rapport à l’augmentation de la population et de la demande de branchements, la Jirama a dû recourir aux fournisseurs d’énergie privés au milieu des années 90. La signature de contrats douteux qui profitent plus aux fournisseurs et à certaines personnes qu’à la Jirama et aux abonnés. Depuis, les contrats se sont multipliés dont certains sont relatifs à des prestations de services fictifs. Pendant longtemps, la Jirama a du acheter le gazole ou le fuel à un prix plus cher que celui à la pompe. Allez savoir pourquoi. Comment la Jirama peut-elle s’en sortir si elle doit payer à la fois le fuel aux fournisseurs et le kilowattheure ? Il faudra ainsi revoir ou résilier tous les contrats qui font que la Jirama est à jamais pieds et poings liée à ses fournisseurs. Mais cela coûtera encore plus cher que les arriérés en termes de dédommagement et de préjudice. L’avenir reste ainsi des plus sombres pour la Jirama, prise par le col par ses fournisseurs devenus maîtres absolus de la situation. Même les futures centrales solaires ou hydroélectriques appartiennent aux fournisseurs privés. Comme solution, il ne peut y avoir que des palliatifs de quelques jours après négociation avec les fournisseurs pour des raisons sociales. L’État ne pourra jamais apurer d’un seul coup les dettes de la Jirama comme il l’a fait pour Air Madagascar sans risque de perturber son équilibre budgétaire et macroéconomique. Les bailleurs de fonds le lui défendent d’ailleurs. C’est ainsi un problème sans solution pérenne, étant donné que les arriérés augmentent aussi longtemps que la Jirama achète à ses fournisseurs. On est arrivé à un stade où la solvabilité de la Jirama se trouve au dessous de zéro. Le black-out est ainsi une éventualité très probable. Les abonnés sont impuissants et doivent y croire avec l’énergie du désespoir, heureusement renouvelable.
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