Mécanisation agricole - Encore du chemin à faire


Le secteur agricole malgache est très peu mécanisé. Ce qui explique en partie un rendement qui ne satisfait pas le besoin national en produits agricoles. Les raisons de cette faible mécanisation sont multiples et elles ne sont cependant pas faciles à surmonter. Le souhait de Madagascar depuis des décennies de devenir le « grenier » de l’océan Indien n’est pas pour demain. La faible mécanisation du secteur agricole et la prédominance de l’agriculture de subsistance constituent une réalité qui empêche ce vieux rêve de se réaliser. Selon le Panel de Malabo Montpellier (MMP ), un groupe d’experts africains et internationaux, qui a recommandé aux pays africains depuis 2014 d’élaborer des plans nationaux d’investissement dans la mécanisation agricole, « douze pays africains, dont l’Éthiopie, le Malawi, le Mali, le Maroc, le Rwanda, la Tanzanie et la Zambie, avaient connu une forte croissance de l’agriculture mécanisée et avaient, par conséquent, amélioré leur production ». Le MMP est en effet convaincu que la mécanisation est une « étape cruciale pour accroître la productivité ». Malgré tout, « les niveaux de mécanisation des exploitations agricoles en Afrique sont très faibles, le nombre de tracteurs en Afrique subsaharienne variant de 1,3 par kilomètre carré au Rwanda à 43 en Afrique du Sud, contre 128 en Inde et 116 au Brésil » selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui spécifie en outre que, « l’Afrique compte globalement moins de deux tracteurs pour 1 000 hectares de terres cultivées. Ce nombre est de 10 pour 1 000 hectares en Asie du Sud et en Amérique latine ». Force humaine À Madagascar, on est loin du compte. Pourtant selon un document du ministère de l’agriculture « les interventions pour le développement de la mécanisation agricole à Madagascar remontent à l’époque de la royauté, s’étaient intensifiées pendant la période coloniale, avaient pris une place de plus en plus importante à partir de l’indépendance mais avaient décliné depuis 1987». Les petits outils manuels restent ainsi les outils les plus utilisés dans les exploitations agricoles. Plus de 97% des exploitations agricoles possèdent un «angady». La force humaine représente la principale source d’énergie pour les travaux agricoles dans le pays. « Concernant le matériel de labour à traction animale, près de 33% des exploitations agricoles ont une charrue à bœufs et 28,8% une herse à bœufs » selon toujours le ministère en charge de l’agriculture. Bêches, pelles, charrues, herses, sarcleuses, charrettes sont les équipements les plus fréquents. Ce qui a fait que certaines localités se sont spécialisées dans la fabrication de certains matériels. À titre d’exemple Arivonimamo s’est spécialisée dans la fabrication de charrues, de sarcleuses et de herses. La vente de tracteurs a d’ailleurs diminué au fil des ans dans la Grande île. De 1973 à 1987, le MAEP a évoqué en moyenne la vente de 350 tracteurs de 60 à 80 CV par an, contre à peine 100 tracteurs au cours des dernières années. Cette situation engendre un débat houleux parmi les experts nationaux. Certains d’entre eux sont persuadés que tant que la main d’œuvre agricole est abondante, comme c’est le cas depuis toujours, il sera chimérique de parvenir à une mécanisation pouvant aboutir à des résultats satisfaisants. Au contraire, la démobilisation d’une frange de la main d’œuvre agricole pourrait engendrer une distorsion au sein du secteur et au niveau de la société malgache en général. Le secteur agricole qui comprend l’agriculture, l’élevage et la pêche emploie effectivement environ 78% de la population active dans le pays et contribue à hauteur de 26% du PIB. C’est dire que la main d’œuvre est loin d’être négligeable. A elle seule, la riziculture compte 1,3 millions hectares de superficie et concerne plus de 2 millions de ménages ruraux. Utilisation restreinte Il faut dire aussi que tous les terrains agricoles ne sont pas appropriés à une mécanisation à outrance dans le pays. Des experts évoquent la non-utilisation de plusieurs centaines de tracteurs à travers le pays durant la révolution socialiste dans le pays, afin d’étayer leur point de vue. Selon toujours le ministère de l’agriculture « L’utilisation de gros matériels agricoles est restreinte aux rares grandes exploitations qui n’opèrent que dans quelques zones, dont les greniers à riz (Alaotra, Marovoay et dans le Moyen Ouest). La motorisation agricole est d’un très faible pourcentage : 0,1 % pour le motoculteur et 0,2% pour le tracteur avec accessoires ». Face à cet état de fait, et en constatant que le continent africain reste loin derrière les pays industrialisés, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, une organisation financée par les fondations Bill et Melinda Gates et la famille Rockefeller, a mobilisé des ressources pour essayer de changer la situation, tout en étant convaincue que « sans agriculture mécanisée, la productivité souffre considérablement, réduisant les revenus des agriculteurs ». La Banque africaine de développement (BAD), a estimé pour sa part que « l’Afrique dépense actuellement la somme exorbitante de 35 milliards de dollars par an en importations alimentaires», et que, « si la tendance actuelle se poursuit, ces importations pourraient atteindre jusqu’à 110 milliards de dollars d’ici à 2050».
Plus récente Plus ancienne