Le paradoxe du comédien


Une longue attente a enfin pu être comblée avec la sortie en salle de The Batman de Matt Reeves. Et l’attente fut récompensée, l’impatience a été comblée par de merveilleuses retrouvailles avec un Gotham plus sombre que jamais servi par une excellente photographie. Interprétée par un Robert Pattinson au sommet de son art et dont la performance a été acclamée par la critique et le public, cette nouvelle version du « Dark Knight » semble partir pour rejoindre ceux qui ont su être, de Michael Keaton à Ben Affleck en passant par Chris tian Bale, de mémorables incarnations en prise de vues réelles de la création de Bob Kane et Bill Finger. Et pourtant, pour Pattinson, c’était loin d’être gagné. Quand ceux qui ont, au moins, un peu d’intérêt pour le cinéma ont appris qu’il a été engagé pour un rôle qui n’est pas du tout quelconque, les réseaux sociaux furent devenus des déversoirs de protestations qui ont plu dans un orage électrisé, surtout, par les souvenirs de son passé de vampire préféré des adolescents qui a failli, à jamais, associer son nom à la saga Twilight. Le Battinson (Batman + Pattinson) n’a pas seulement alors distribué ses coups aux corrompus de Gotham et aux hommes de main de ces derniers, il a aussi réussi à gifler les becs de ces sceptiques et à les clouer. Il faut dire que la franchise es t expérimentée et doit maintenant maîtriser l’art de faire taire ceux qui ont osé juger leurs films et leurs acteurs avant même leur sortie. Ayant déjà, par le passé, occupés cette place de punching-ball qui parvient à retourner, avec brio, les coups des virulents incrédules, Michael Keaton, dont l’image a été handicapée par Beetlejuice ; Christian Bale ; Ben Affleck, entaché par Daredevil et même le regretté Heath Ledger, massacré par ceux qui n’ont gardé de lui que l’image du cowboy homosexuel de Brokeback Mountain (Ang Lee, 2005), et qui est maintenant vu comme l’un des meilleurs Joker, Némésis de Batman. Et le public n’a toujours pas retenu la leçon et succombe encore à la tentation de juger un acteur à partir d’un rôle qui n’est pourtant qu’une parcelle d’une carrière cinématographique. Ceux qui ont tendance à croire qu’un acteur n’est fait que pour un genre particulier, associé à son parcours antérieur et qu’il ne peut donc pas en sortir sans être considéré comme un intrus s’il s’aventurait à s’immiscer dans un autre registre, devraient réécouter Louis Jouvet qui, s’inspirant du Paradoxe du comédien selon Denis Diderot, a fait la distinction entre « acteur », qui impose sa propre image à son rôle et donc incapable de jouer tous les types de personnage, et « comédien » qui est capable de camper n’importe quel rôle. Il faut donc croire que l’univers de Batman est servi par d’excellents comédiens.
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