Le Royaume de Madagascar entouré de groupes indépendants


Àla veille de la prise de Mada­gascar par la France, l’empreinte occidentale est, en général, très superficiel. La Grande ile continue de rester fidèle à la civilisation ancestrale. Comme les Notes l’ont rapporté dans les précédentes séries, le Royaume de Madagascar fédère des États plus ou moins grands, des peuplades autonomes, tous liés par le culte des Ancêtres (Histoire de Madagascar, 1967). L’Imerina se trouve au cœur du royaume et il est très en avance sur les autres régions. Les missions, les commerçants, les diplomates étrangères y sont plus nombreux que partout ailleurs. Pourtant, « les cadres de la société et les structures traditionnelles des groupes ethniques continuent d’exister, les fonctionnaires du Fanjakana ne les ont pas détruits ». Les Fokonolona peuvent accepter, à partir de 1885, fin du premier conflit franco-malgache, une convention qui en fait les auxiliaires du gouvernement. Mais «ils vivent toujours dans le contexte de la solidarité coutumière ». Le culte des Ancêtres n’est pas entamé par le christianisme, « bien qu’une foi sincère habite les chrétiens ». Même dans les villes où l’évangélisation est plus avancée, une « inquiétude collective » s’empare souvent des habitants, dès qu’un évènement insolite se produit. « Tout est alors remis en cause et la tendance à accuser les innovations, responsables de l’évènement, est générale. » Dans les campagnes, l’influence des Européens est pratiquement nulle. La vie s’écoule au rythme des traditions. « En maintenant l’esclavage et la corvée, Rainilaiarivony a maintenu la grande cohésion des structures anciennes. » Les vingt sept gouvernements provinciaux sont beaucoup plus touchés que l’Imerina par les influences occidentales. L’action des missionnaires se développe. Très souvent, le maintien des Ampanjaka et des princes locaux qui acceptent la suzeraineté d’Antananarivo,« reconduit, à peu près intacte malgré la présence des fonctionnaires merina, la vie traditionnelle du pays. Dans ces conditions, il n’y a pas assimilation ». En fait, chaque groupe reste attaché à sa terre, à ses ancêtres, à ses tombeaux : « Il y a autant de patriotismes que de groupes. » L’installation des Européens sur les Hautes-terres, surtout après 1885, touche profondément l’âme malgache, soulignent les auteurs du livre d’Histoire de 1967. C’est en face de l’étranger, de ses activités inusitées, écrivent-ils, que les Malgaches s’élèvent à une conception plus large et plus nette de leur patrimoine culturel. « Leur langue, leurs traditions ancestrales, leur manière propre de concevoir les choses de ce monde, leur méfiance envers tout ce qui vient de l’extérieur, prennent un relief considérable et les rapprochent. » Il existe aussi les « Malgaches indépendants » car dans une partie importante de la Grande ile, la suzeraineté du royaume ne parvient pas à s’établir. Selon les mêmes auteurs, dans ces groupes ou clans, la société est plus cohérente car les distances, le climat les maintiennent loin de l’évolution des Hautes-terres centrales. Les Antankarana du roi Tsimiharo résistent pendant plus d’un demi-siècle dans le Nord de l’ile. De même, indifférents à l’expansion merina, les Tsimihety remontent la Sofia au-delà de l’Androna, et entreprennent la conquête des riches pâturages et des terres de l’Ankaizina. « Leur courage, leur cohésion autour de leurs chefs et leur solidarité leur permettent d’échapper pratiquement à la vassalité. » Dans le Sud et dans l’Ouest, pendant le XIXe siècle, d’autres migrations se produisent. Pour échapper au tribut, des Antesaka s’installent à Midongy, dans le fossé d’Iakora, se déplacent même jusqu’au Bas-Mangoky. Certains n’hésitent pas à quitter temporairement leur clan. Ils vont travailler dans les terres sakalava de l’Ouest, au service des nobles ou dans les premières plantations créoles de la côte orientale. Cette émigration dénommée mitamby leur permet de gagner l’argent, nécessaire à l’achat des zébus de sacrifice qu’ils ramènent au groupe à leur retour. Les Bara, que la forêt tanala arrête à l’Est, entreprennent vers 1885, une série de migrations importantes vers l’Ouest, au-delà du Mangory. Ils repoussent des Sakalava et s’implantent dans le Moyen-Pays. De là, leurs razzias puissantes éprouvent l’Ouest du Betsileo et même des provinces plus septentrionales du royaume. Les traitants qui trafiquent le long des côtes du Sud et de l’Ouest, introduisent des armes dans ces régions indépendantes, favorisant les guerres entre les peuples du Sud.
Plus récente Plus ancienne