Invitation à l’humilité


L’Anthropocène, l’ère géologique actuelle qui consacre l’homme sur son piédestal de principal modificateur de la nature, s’avère finalement être d’une lourdeur qui le rend trop pesant pour nos frêles épaules. Si on est parvenu à influencer la nature, à modifier le cycle, qu’on croyait éternel, des saisons, ces « retouches », faites par nos mains, qui se sont révélées malhabiles, n’ont pas été épargnées par des dégâts qui nous font payer notre imprudence, la témérité irréfléchie à laquelle on s’est donné quand on s’est laissé emporter par notre élan d’apprentis « maîtres et possesseurs de la nature ». Nos actions ont réchauffé la planète dont les trois quarts sont constitués par les océans dont l’augmentation de la température est favorable à l’apparition de cyclones plus puissants. Les dix derniers jours ont été surtout traversés comme une période d’expression de la colère de la nature. De là où nous sommes, sa voix était plus qu’audible, elle nous a donné un début de saison cyclonique des plus mémorables marqué par deux assauts successifs qui n’ont été séparés que par un court intermède. Aux séquelles encore vives laissées par Ana, se greffent les destructions que Batsirai a semées sur son passage. Et malgré les invectives qui émaneraient des anges, la puissance de la nature n’a pas pu être stoppée dans sa démonstration. Et l’homme est de nouveau face à un constat d’échec : la nature ne se laisse pas dominer facilement. Elle peut encore répondre à la mégalomanie humaine. D’après la Théogonie d’Hésiode, Gaia, la Terre, a donné naissance à des créatures qui sont, pour la race humaine, des monstres. Parmi eux, on retrouve le redoutable Typhon, le titan des vents forts et des tempêtes Ce récit mythologique semble vouloir nous parler aujourd’hui: la Terre peut toujours contester nos aspirations à la puissance suprême, elle répond à nos ambitions démesurées en nous envoyant ses enfants les plus destructeurs pour nous donner une leçon de modestie. À savoir, si l’homme, toujours porté par un élan prométhéen qui veut défier les dieux, sera enfin réceptif. Blaise Pascal a écrit que « La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable. C'est donc être misérable que de se connaître misérable ; mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable.» La puissance incontrôlable de la nature qui se déchaîne, pouvant nous mettre face au sublime qui émane d’elle, nous dévoile encore plus à quel point on est misérables. Les derniers évènements devraient être pris comme des invitations à l’humilité perdue.
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