Nouvel an, soixante ans plus tard


Sur Facebook, il existe de nombreux groupes qui partagent des photos anciennes. Photos anciennes de l’Antananarivo d’antan, quand la Ville n’était pas encore saturée de trop d’exode rural, de trop de taxibe, et que les infrastructures ne s’affaissaient pas encore sur elles-mêmes, de tant de sollicitations quotidiennes, permanentes. Photos historiques, dont l’administration coloniale, même dans la cruauté gallienienne à désacraliser les Fitomiandalana d’Ambohimanga et d’Antananarivo, a pris la précaution dans une démarche salutaire de mémoire. Ces évocations du passé rencontrent régulièrement une large, et passionnée, audience. Nous serions donc viscéralement nostalgiques des «immuables témoins de notre âge aboli» (Jean-Joseph Rabearivelo). Mais, justement, il ne faut plus s’en remettre à cet «âge aboli». Rova, belle architecture, objets antiques, beaux livres, archives historiques : le patrimoine existe. Il nous faut le conserver, le restaurer, l’entretenir. Déjà, sachons l’aimer et en profiter tant qu’il existe et que nous sommes de ce monde. Un monument historique n’est pas une nature morte. Il faut l’ouvrir aux visiteurs, à même d’en parler autour d’eux, provoquer la curiosité, susciter l’engouement. Un monument historique, tout enraciné dans son passé, est témoignage au présent et assure le trait-d’union avec le futur. Pourtant figé dans ses pierres, le monument historique nous étonne par sa flexibilité aux besoins de notre temps. Parce qu’il est oeuvre humaine. Les besoins humains sont, en quelque sorte, inscrits dans ses gênes. Un ascenseur dans Manjakamiadana ? Indispensable si le projet muséologique veut répondre aux normes internationales. Les bibliothèques ? À toutes les époques, au prétexte d’un conflit politique ou religieux, sinon les deux, les livres furent les victimes faciles de tous les tyrans et despotes qui eurent peur de trop en savoir. Alors, oui, il y a les monuments historiques, qui frappent d’emblée l’imagination. Progressivement, l’opinion a appris à se sensibiliser aux patrimoines les plus remarquables. Mais, seuls les passionnés s’en font pour les musées, les archives, les vestiges archéologiques. Qui se souvient de ce 24 juin 1999, quand une poutre de 700 kg avait été symboliquement acheminée à Anatirova, pour la reconstruction des cases royales de Besakana et de Mahitsielafanjaka. Qui sait que toute reconstruction devrait laisser libre cours à une étude archéologique et historique du site ? Posons-nous les questions, dès maintenant, tout de suite, soixante ans après.
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